POUR UNBON USAGE DES ICEBERGS
Il faut chercher l’eau douce la où elle se trouve . Deux sources (et deux seulement ) sont utilisables :la première est le dessalement de l’eau de mer , la deuxième les prélèvements sur les seules réserves existantes d’eau douce . c’est-à-dire la glace des régions polaires , formée par accumulation et compression des neiges tombées au cours des millénaires .
Le dessalement de l’eau de mer est un procédé très onéreux . La production d’eau douce par le transport d’icebergs est , au contraire économiquement compétitive er réalisable .
Un iceberg , c’est de l’eau douce , si pure qu’elle est souvent proche de l’eau distillée . Il a été estimé que plus de 10000 milliards de m³ de glace sont perdus chaque année sous forme d’icebergs dans l’Atlantique .
Pourquoi aller chercher des icebergs au Pôle Sud ? Pourquoi pas au Pôle Sud ?
D’abord parce que les icebergs arctiques sont , en général , des cathédrales aux formes biscornues et irrégulières , d’une instabilité dangereuse . Ensuite parce que , provenant de glacières de montagne (du Groenland par exemple ) , ils n’ont jamais les volumes nécessaires . Les icebergs antarctiques , au contraire , sont « tabulaires » ; de forme souvent régulière et de volume important .
Un iceberg « convenable » doit être assez volumineux (100 millions de tonnes ) pour fournir la quantité d’eau désirée . Il doit être « tabulaire » , sensiblement plus long que large (pour des raisons inhérentes au remorquage et avoir une surface aussi plane que possible .
Le problème le plus important est celui de la protection contre toutes les formes d’érosion : fonte , évaporation ,érosion mécanique due à l’action des vagies , frottement dû au déplacement .
Pour couvrir une distance 6000 milles nautiques (environ 10000 Km ) , par exemple ; à la vitesse de remorquage la plus favorable , qui est de l’ ordre de 1 nœud (près de 2 Km / h ) , il faut compter 8 à 9 mois .
Pour protéger l’iceberg pendant une telle durée , diverses solutions sont possible . L’une consiste à protéger les parois verticales par des bandes (semblables à un store vénitien ) de matériau réfléchissant ; et les parois immergées par un rideau semblable (une jupe ) de matériau isolant . L’isolation proprement dite sera due à l’eau douce froide qui viendra se loger entre la jupe et la paroi de l’iceberg .
La paroi inférieure de l’iceberg également protégée par une sorte de « couverture » appliquée grâce à des boudins gonflables .
La fabrication et la mise en place de ces éléments dans les eaux antarctiques ne vont pas sans difficultés-qui restent à résoudre . Le remorquage proprement dit ne pose pas de problème dans son principe . Les plus gros remorqueurs actuels développent 125 tonnes de traction .
Pour déplacer un iceberg de 100 millions de tonnes , la traction nécessaire est de l’ordre de 600 à 700 tonnes ; 5 à 6 gros remorqueurs suffiraient .
Une fois l’iceberg sur place ( c’est-à-dire , dans certains cas à plusieurs kilomètres de la côte , étant donné la faible profondeur plateau continental et le tirant d’eau de l’iceberg ) . il faudra récolter l’eau de la fonte et la pomper par pipe-lines jusqu’à terre .
La production d’eau douce par le transport d’iceberg est , sans doute possible . L’un des projets les plus originaux de notre époque . L’un des plus utiles aussi : proche est le jour où le problème numéro un de l’eau douce
Paule-Emile VICTOR février 1978