Croire à la prédestination
Signification
En lisant attentivement les versets suivants où il est question de la prédestination:
Il n'est rien dont Nous ne possédions les réserves, et Nous n'en faisons rien descendre que selon une mesure déterminée;
Quant à Nous, toute chose Nous ayons créée à la mesure.
Et ce verset parlant de la terre:
... Y mit la bénédiction, en proportionna les nourritures
Et à propos de la lune
Et que de la lune Nous avons réglé les phase...
Ou encore :
A créé toute chose en y mettant la juste mesure
Toute chose trouve en Lui sa mesure
Eh bien ! En lisant ces versets on comprend que la mesure (la prédestination) n'est que les normes universelles et les lois naturelles créées par Dieu pour gérer l'univers, dont toute chose est créé à mesure et à des proportions fixes.
Pour expliquer la différence entre la prédestination et le décret, je donne l'exemple suivant : on peut parfois lire sur un écriteau érigé à l'entrée d'un bâtiment que celui-ci est conçu par l'architecte (x) et exécuté par l'entrepreneur (y). A l'architecte revient de dessiner le projet, de définir la hauteur de la construction, l'épaisseur des murs, la quantité de fer, de ciment et de pierre à utiliser, la proportion de chaque matière, le nombre des portes et des fenêtres à y installer. C'est cela la prédestination (la mesure). A l'entrepreneur revient de mettre en exécution les «mesures» définies par l’architecte : C'est cela le décret.
Décret et prédestination sont deux actions divines. A l'instar de l'architecte qui change et modifie certains détails du projet suivant sa volonté. Dieu, de par Sa miséricorde, a fait de l'invocation et de l'aumône deux causes qui pourraient servir à modifier ou annuler une partie de ce que Dieu a décidé d'avance.
Récompense et Châtiment
La prédestination (la mesure) englobe et concerne toute chose créée par Dieu et pour qui Dieu a conçu son état et ses caractères, sachant, antérieurement tout ce qui lui arrivera, et tout ce dont elle sera susceptible. En tant que créature de Dieu, l'homme est concercé par la prédestination. On peut ici évoquer un problème qui était, pendant très longtemps sujet à débattre, à savoir celui de la récompense et du châtiment : si tout ce que advient dans l'univers était conçu, décidé et connu d'avance de par Dieu et si les normes (ou lois naturelles) de Dieu sont inchangeables, comment peut-on comprendre le mécanisme de la récompense et du châtiment ?
Comme réponse globale disons qu'il faut distinguer le caractère concret et visible de l'homme et les Attributs et les actions de Dieu qui font partie du mystère (Ghayb) et que la raison ne peut juger ni arriver à concevoir. De même, on ne peut en connaître que ce que a été révélée par Dieu.
L'homme est libre
En fait, l'homme jouit d'une liberté certaine; il est doté d'une raison grâce à laquelle il peut juger les choses matérielles et distinguer le bien du mal et la bonté de la méchanceté. Il jouit également d'une volonté à l'aide de laquelle il est sensé de choisir entre le bon et le mauvais. Tout homme raisonnable se rend compte que l'accomplissement de la prière est bon et la pratique de la fornication est mauvaise. En sortant de chez lui, il peut emprunter le chemin qui conduit à la mosquée, afin de faire sa prière, ou bien passer par une autre ruelle qui mène à une maison de débauche dans le but de commettre un péché. Si j'avais la main saine, je pourrai m'en servir pour payer l'aumône à un pauvre ou pour donner injustement un coup de bâton à quelqu'un. Est-ce que les deux actions sont d'une même nature ? La première ne mérite-elle pas une récompense et la deuxième un châtiment ?
Un étudiant peut passer son temps à étudier et à préparer son examen, tout comme il peut gaspiller des heures et des heures dans les jeux et la distraction inutile. Peut-on prétendre que le recalage de cet élève peu sérieux serait injuste et que le succès de l'étudiant studieux serait une sorte de favoritisme ?
L'homme est contraint...
J'ai pu (dans l'exemple cité à l'instant) me servir de ma main parce que Dieu m'a confié le contrôle de ses muscles. En revanche, je n'ai pas le contrôle des muscles de mon cœur ou de mon estomac. L'élève en question pourrait être intelligent de manière à pouvoir lire ses leçons une seule fois pour l'apprendre par cœur, et pour profiter de son temps libre afin de jouer et se distraire; il pourrait être stupide de façon à rien retenir de ce qu'il lit et prépare soigneusement et assidûment. Sa maison pourrait être calme et son père un savant, qui lui assure un climat favorable à la préparation des examens. Sa demeure pourrait être nuisible et son père ignare marqué d'une humeur belliqueuse de manière à rendre sa tâche difficile. On est incapable de se procurer l'intelligence, de choisir ses parents, le temps propice et l'environnement favorable. Tous ces détails sont hors de portée de l'homme; tout comme il lui est impossible de rendre son nez .plus beau et d'avoir la taille plus grande : il est, vis-à-vis de ces circonstances, contraint.
L'homme est, dans les limites de la capacité humaine, libre. Etre parfois contraint ne lui ôte point la qualité d'homme libre. On ne peut nier que la voiture est capable de rouler, mais dans les limites de la puissance de son moteur; si vous fabriquiez un camion, il ne serait point susceptible de rouler aussi vite qu'une voiture de course; si il était conçu pour faire marche en terrain aplani, il ne serait capable de monter un escalier ni de pénétrer un mur. Il roule, mais si un obstacle le gêne, il ne perdra point la qualité d'un engin susceptible de rouler. Il en est de même pour l’homme : il rencontre le long de sa vie des obstacles qui déjouent sa volonté ou qui modifient sa trajectoire. Il est parfois affecté par des faits qu'il ne peut point repousser ni changer. Mais cela ne lui enlève pas la qualité d'homme libre. Certes, il est libre de réagir dans les possibilités opportunes; et il n'est pas un dieu pour qu'il se comporte à sa guise.
La Récompense et le Châtiment sont liés à la liberté
S'il n'y avait pas de liberté, il n'y aurait point de châtiment. Quelqu'un de contraint à faire du mal n'est pas sensé de subir une punition. Dieu nous blâme seulement à l'égard de ce dont nous avons le choix de faire ou de rejeter. A chacun de répondre de ce qu'il a acquis. Nulle âme n'est imposée qu'à sa capacité, et Dieu ne lèse pas du poids d’un atome. Si les tribunaux terrestres, marqués d'une équité relative, prennent en considération les circonstances, les mobiles et l'environnement d'un accusé, le tribunal du Seigneur, caractérisé d'équité absolue, négligera-t-il ces éléments. Un accusé issu de parents débauchés et d'environnement pervers sera-t-il puni de la même façon d'un accusé élevé dans un milieu privilégié ?
Les critères de l'équité
La plupart des scolastiques ont commis une faute grave en appliquant les critères de l'équité humaine à Dieu. J'ai pris conscience de cette vérité à la suite d'un évènement qui m'était arrivé en 1931.
A l'époque j'enseignais dans une école primaire à Damas, alors que j'étais en pleine jeunesse, ayant en tête des idées persistantes, dans l'âme une sorte d'orgueil et dans la bouche une éloquence et une audace. J'avais des doutes relatifs au problème de la prédestination, sur lequel je questionnais des Ulémas, sans pour autant trouver chez eux une réponse convaincante. Ainsi mon arrogance me poussait à polémiquer avec eux et à les indisposer. Un jour, j'étais en train de punir un élève en lui administrant des coups (Frapper faisait à cette époque là partie des méthodes d'éducation); l'élève s'est mis à protester en s’écriant : «Mais c'est injuste... vous êtes injuste.»
Quand je l'ai entendu crier ainsi, le bâton est tombé de ma main, oubliant l'enfant et l'établissement scolaire. Il m'a paru que j'étais antérieurement dans des ténèbres et voici qu'une lumière éclatante jaillit pour m'aider à tout voir clairement. Je me suis dit : «L'élève considère mes coups comme un acte injuste, alors que je les considère la justice même : deux considérations pour une même action ! Si l'élève se plaignait à ses parents, ils lui diraient qu'il ne s'agissait pas d'un acte d'iniquité, mais plutôt d’une mesure prise dans son intérêt. Si l'étudiant n'avait point droit d'appliquer ses critères imparfaits à l'équité de l'instituteur, comment pourrais-je appliquer mes critères terrestres d'équite à Dieu ?
L'acte qui me paraît injuste, ne pourrait-il point être l'équité même ? Un enfant souffrant ne croit-il pas que l'injection qui lui est administrée par le médecin est injuste, contrairement à son père qui y voit un geste salutaire pour son fils, celui-ci même qui n'y voit que l'aspect douloureux.
Un juge ne peut prononcer une sentence qu'après avoir examiné tous les détails de l'affaire. Quant à nous, il nous arrive de faire jugement en nous bornant à étudier seulement une parcelle de la réalité.
Si vous étiez perdu avec un ami dans le désert, et voici qu'un conducteur d'une voiture luxueuse vous invite à monter; et si au cours du trajet votre camarade déchirait, à l'aide d'un couteau, le siège de la voiture, ne considérerait-vous point l'acte de la personne en question comme injuste ? Mais si vous appreniez aussitôt qu'un groupe de bandits vous attendait plus loin pour voler chaque voiture en bon état; eh bien ! L’acte de ton ami ne vous paraîtrait pas là tout à fait juste ? C'est à peu près l'histoire de Khidhr et Moïse quand ils sont montés à bord d'un navire que le premier sabordait.
Avec les Textes :
Il faut d'abord rappeler :
1 - L'action de la raison est bornée aux textes disponibles. Elle ne peut point concevoir en détail la nature du destin, car elle est incapable de considérer la métaphysique. Ainsi, il faut éviter la discussion d'un problème que le Texte (Coran, hadith) n'as pas élucidé.
2 - Le Coran est la source originale à qui nous devons nous référer dans le cas d'une contradiction aperçue entre un verset coranique et une tradition prophétique rapportée par une seule personne.
3 - Le Coran, ainsi que le hadith, ne peut comporter une énoncée explicite, déniant l'existence de quelque chose de concret, car Celui qui a fait descendre le Coran est le même qui a fait exister les réalités concrètes.
4 - Beaucoup de textes paraissent confirmer le déterminisme, tels que les versets suivants :
C'est Lui qui vous façonne dans la matrice, à Sa Volonté
Ton Seigneur crée ce qu’Il veut et choisit : eux n'ont pas le choix
Ainsi que les versets traitant d'évènements naturels hors de portée de l'homme, comme celui-ci :
Avez-vous idée de ce que vous labourez ?
Est-ce vous qui cultivez, ou si c'est Nous le cultivateur ? Si Nous voulions, Nous n'en aurions fait que déchet
Ou encore :
Si Dieu te touche d'une douleur, nul autre que Lui ne peut t'en délivrer
Et aussi les versets concernant les circonstances menant à la réforme ou au dégât, et qui ne relèvent pas des actions de l’homme :
Par l'âme et ce qui l'équilibre
Lui inspire la luxure ou de se prémunir
Y font également partie les versets au cours desquels le mot guidance est employés dans le sens d'indiquer, comme Sa Parole :
Ne l'avons-Nous pas guidé vers la double rampe ?
Ou bien :
Nous qui le guidâmes au chemin, que l'homme dû se montrer reconnaissant ou mécréant
Il me semble que ces versets désignent les faits qui touchent à la bonté ou à la corruption de l'homme et qui ne font pas partie de ses propres œuvres. J'ai déjà dit/que l'adorateur n'est pas là sujet de blâme, car Dieu ne punit personne pour des choses desquelles il se trouve obligé.
Ce sont là les versets sur lesquels des gens pervers se sont penchés, et dont ils ont mal compris le sens. Or ils devaient plutôt :
1 - Distinguer les versets concernant la volonté et la puissance de Dieu et ceux relatifs là la Récompense et au Châtiment;
2 - Prendre en considération l'ensemble des versets, non pas un par ici et un autre par là. Celui qui examine le texte coranique dans sa totalité se rendra compte que le Livre attribue à l'homme la liberté et la volonté indissociable de la Récompense et du Châtiment.
En lisant le verset suivant ... Il en égare d'aussi nombreux qu'Il en dirige, on comprend de prime abord, que la guidance et l'égarement des adorateurs sont choses décidées d'avance par Dieu; mais si on fait attention à la Parole de Dieu le Très Haut: ... en' guidance à ceux qui veulent se prémunir et au verset suivant Il n'égare par là que les scélérats, on comprendra que la guidance et l'égarement ne sont pas imposés par Dieu.
Mais tout dépend de l’homme : s'il est pieux, il aura le Coran en guidance, et s'il est scélérats, il l'aura en égarement. Cependant, on peut se demander si Dieu l'a déjà fait au nombre des croyants ou des mécréants;
En se référant à ces deux versets ... A ceux qui veulent se prémunir
Ils croient au mystère, accomplissent la prière, font dépense sur notre attribution
... que les scélérats
Ceux qui dénouent leur pacte avec Dieu après s'y être engagés, ou rompent des solidarités qu'Il ordonne, ou font dégât sur la terre,
On comprendra qu'il n'y a point d’obligation : tout est lié à des caractères et à des œuvres relevant de la liberté et de la capacité de l'homme.
Vous pouvez donc croire au Mystère, accomplir la prière et faire dépense dans le chemin de Dieu comme vous pouvez dénouer le pacte avec Dieu et faire dégât sur la terre, car il s'agit là de choses faciles à faire et à abandonner; c'est une question de choix et de volonté.
Il est néfaste de se demander si j'ai fait ce mal par la Volonté divine, si je pouvais y renoncer, et si j'avais, moi-même créé mes actions. Dieu n'est jamais interrogé sur ce qu'Il fait, mais c'est Lui qui nous interrogera de nos œuvres.
Le Destin comme Justification
Il est des rebelles qui essaient de justifier leur égarement par le destin. Si vous demandez au fornicateur pourquoi il commis son péché, il vous dira : C'est mon destin. Il s'agit là d'un argument réfutable pour deux motifs :
1 - Le Compte du Jour dernier et le Châtiment s'effectuent sur la base des œuvres et des intentions. Ce fornicateur n'a pas commis son péché après avoir vu la Table Gardée. Plutôt il s'y était laisser faire par passion et en réponse à l'appel de Satan.
Les mécréants affichaient le même prétexte :
Dieu l'eût voulu, que nous n’ayons pas été des associants
Et Dieu de leur répondre :
Avez-vous là-dessus la moindre science ? Eh bien ! Produisez-la nous
2 - Si ce protestateur brandissant le destin comme argument était véridique, il aurait accepté tout ce que Dieu lui avait assigné : pauvreté, maladies, famine, perte un cher, etc. Or, il n'admet pas cette réalité, mais il s'efforce de gagner de l'argent, de repousser la maladie, de mettre fin à la pauvreté; en plus il souffre pour le départ de son bien-aimé et pour la perte d'argent. Pourquoi donc a-t-il usé de toutes ses forces afin d'attirer la joie et de faire éloigner la souffrance, au lieu de se servir de sa raison afin de réprimer les passions et d'empêcher l'âme d'approcher les plaisirs illicites ?
Nous et les Anciens devant le Destin
Les ennemis de l'Islam accusent les Musulmans d'aujourd'hui de fainéantise et d'indifférence, et ce à cause de leur croyance au destin. S'il y avait dans cette accusation une part de vérité, ce ne serait qu'à cause de l'incompréhension manifestée de la part de nombreuses personnes pendant les derniers siècles. Tant de musulmans ignorants se barricadaient derrière le destin pour commettre leurs péchés et pour afficher leur paresse; alors que nos prédécesseurs en faisaient un stimulant afin d'œuvrer et de faire effort dans le chemin de Dieu.
Nous avons lu que l'attribution est déjà assignée : «ce que vous est destiné vous l'aurez même si vous étiez faible, et ce que est destiné à quelqu'un d'autre, vous ne l'aurez, même si vous étiez puissant»; des gens ont faussement cru que cela voulait dire négliger le travail et arrêter tout effort, espérant que le ciel leur fasse pleuvoir de l'or et d'argent et qu'on puisse effectuer des voyages sans s'y préparer et sans avoir les moyens !
En revanche, nos prédécesseurs ont compris par là qu'il leur fallait travailler avec beaucoup d'efforts et s'évertuer de gagner l'argent licite. Une fois fait, ils se *******aient de ce qu'ils recevaient, n'ayant de blâme vis-à-vis de leur Seigneur ni de jalousie envers leurs frères plus privilégiés. Ils n'abusaient point des faveurs de la fortune et ils ne se plaignaient pas des difficultés de la pauvreté.
Nous avions entendu dire que la mort arrive à un terme précis et nous en avons fait cause pour négliger la prudence, la précaution, brouiller les responsabilités et faire l'amalgame entre le crime délibéré et le destin qui se produit sans faute. Nos grands-pères avaient entendu les mêmes dires et ils se sont dit: Si l'homme ne meurt qu'à son terme, même s'il affrontait avec sa poitrine nue des lances et feux; de même, si son terme ne peut pas être différer, ne serait-ce que pour une seconde, il nous incombe d'accomplir les œuvres susceptibles de plaire à Dieu, de faire efforts dans le chemin de Dieu en nos personne et en nos biens, sans craindre la mort, d'affronter les actions blâmables et de nous opposer aux tyrans.
Nous avions appris que tout est assigné d'avance par Dieu, et nous avons négligé l'examen des normes divines en vigueur dans l'univers; ainsi que les lois naturelles desquelles Dieu a fait causes de bienfait et de dommage et dont nos Ulémas possédaient une bonne connaissance qu'ils n'hésitaient pas à mettre en exécution afin d'en tirer avantage commun. Cet esprit nous a prévalu une dégradation générale sur tous les plans. Nos prédécesseurs étaient, grâce à leur foi, maîtres et du monde, alors que nous sommes devenus subalternes et serviteurs.
Incompréhension
Cette incompréhension du destin a causé un amalgame entre les Textes relatifs aux actions volontaires dont nous pouvons nous débrouiller et ceux concernant des œuvres que Dieu a fait hors de notre volonté et inaccessibles à nos capacités; cette étrange incompréhension a débuté au sein des écoles scolastiques: les uns un prônaient le fatalisme en se basant sur le fait que l'homme ne peut pas contrôler les muscles cardiaques, par exemple, ne peut pas choisir ses parents, ni son environnement; d'autres sont allés plus loin en attribuant à l'homme une grande volonté qui ne va pas du tout avec la réalité des choses, d'où ils ont suscité une certaine incompréhension au sujet de la question de Récompense et de Châtiment.
Il faut revenir à la source originale, à savoir le Coran, et suivre la croyance des Anciens vertueux, les Compagnons du Prophète et leurs disciples.