Devoir de Français N°02 du 1er trimestre
Texte :
Dans cette immense prison surpeuplée, dont chaque cellule abrite une souffrance, parler de soi est une
indécence. Au rez-de-chaussée, c’est la « division » des condamnés à mort. Ils sont là quatre-vingts, les chevilles
enchaînées, qui attendent leur grâce ou leur fin. Et c’est à leur rythme que nous vivons tous. Pas un détenu qui ne
se retourne le soir sur sa paillasse à l’idée que l’aube peut être sinistre, qui ne s’endort sans souhaiter de toute sa
force qu’il ne se passe rien. Mais c’est pourtant de leur quartier, que montent chaque jour les chants interdits, les
chants magnifiques qui jaillissent toujours du cœur des peuples en lutte pour leur liberté.
Les tortures ? Depuis longtemps le mot nous est à tous devenu familier. Rares sont ici ceux qui y ont échappé.
Aux « entrants » à qui l’on peut adresser la parole, les questions que l’on pose sont, dans l’ordre ; « Arrêté depuis
longtemps ? Torturé ? Para ou policiers ? ». Mon affaire est exceptionnelle par le retentissement qu’elle a eu. Elle
n’est en rien unique. Ce que j’ai dit dans ma plainte, ce que je dirai ici illustre d’un seul exemple ce qui est la
pratique courante dans cette guerre atroce et sanglante.
Il y a maintenant plus de trois mois que j’ai été arrêté. J’ai côtoyé durant tout ce temps tant de douleurs et tant
d’humiliations que je n’oserai plus parler encore de ces journées, de ces nuits de supplices si je ne savais que cela
peut être utile, que faire connaître la vérité c’est aussi une manière d’aide au cessez-le-feu et à la paix. Des nuits
entières, durant un mois, j’ai entendu hurler des hommes que l’on torturait, et leurs cris résonnent toujours dans
ma mémoire.
Mais, depuis, j’ai encore connu d’autres choses. J’ai appris la « disparition » de mon ami Maurice Audin, arrêté
vingt-quatre heures avant moi, torturé par la même équipe qui ensuite me « prit en main ». Disparu comme le
cheikh Tébessi, président de l’association des Oulémas, le docteur Chérif Zahar, et tant d’autres, […]
De l’autre côté du mur, dans l’aile réservée aux femmes, il y a des jeunes filles dont nul n’a parlé : Djamila
Bouhired, Elyette Loup, Nassima Hablal, Malika Khene, et d’autres encore : déshabillées, frappées, insultées par
des tortionnaires sadiques, elles ont subi elles aussi l’eau et l’électricité.
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C’est aux « disparus » et à ceux qui, sûrs de leur cause, attendent sans frayeur la mort, et à tous ceux qui
ont connu les bourreaux et ne les ont pas craints, à tous ceux qui, face à la haine et à la torture, répondent par
la certitude de la paix prochaine et de l’amitié entre nos deux peuples qu’il faut que l’on pense en lisant mon
récit, car il pourrait être celui de chacun d’eux.
Henry ALLEG. La question
Paris, 1980 : Les éditions de Minuit. P13, 18.
Questions
Compréhension du texte :
1- A quelle période de l’Histoire de l’Algérie se rapportent les faits relatés dans le texte ?
2- A qui l’auteur s’adresse-t-il ?
3- Pourquoi l’auteur raconte-t-il ces faits ? Quelle phrase du texte justifie votre réponse.
4- Relevez 4 termes ou expressions appartenant au champ lexical de « La torture ».
5- « Et c’est à leur rythme que nous vivons tous. »
« Depuis longtemps le mot nous est à tous devenu familier. »
A qui renvoient les mots soulignés ?
6- Relevez du texte trois mots qui désignent les tortionnaires.
7- Transformez la phrase suivante à la voix active en précisant l’agent de l’action.
« Il y a maintenant plus de trois mois que j’ai été arrêté. »
8- Donnez un titre au texte.
Bonne chance Page 2/2