Route en perdition

[الـــــــــــهاشمي]

ROUTE EN PERDITION

[C'est une route toute neuve à travers champs construite récemment entre Meftah et Cherarba où des logements émergent. La route, elle, reste sur plusieurs kilomètres dans un agréable dépouillement. Rien à droite comme à gauche, que des champs de cultures, des arbres çà et là, une baraque érigée au milieu de rien, surmontée du drapeau national… Probablement élevé haut comme bouclier contre une éventuelle expulsion.

La route est belle, bucolique à souhait. Et dans ces zones où l'on manque encore de l'essentiel et où l'on ne pense pas beaucoup aux infrastructures de loisirs ou sportives, beaucoup ont fait de cette route un terrain de jogging. Tout y incite, une ligne droite pour se vider et ne penser qu'à la prochaine foulée, une nature verdoyante… La route est loin des gens et de leur tumulte. Il y a eu un joggeur au début qui a sans doute inauguré cette route sportive, en silence, loin des officiels… Et il a fait des émules. Des gens viennent même en voiture qu'ils stationnent dans un coin et font la «route». En introspection, le regard apaisé par la verdure et l'ocre de la terre, ils «roulent», chacun selon ses capacités avec, parfois, des gestes brefs et presque imperceptibles d'encouragement. Dans cette petite communauté de joggeurs improvisée qui grandit doucement, on veille à ne pas troubler le silence… Quant aux voitures qui passent, ils ont appris à ne pas les entendre et presque à ne pas les voir. Ce havre bucolique qui prodigue un bonheur tout simple, les joggeurs du vendredi et du samedi - ou du soir les autres jours de la semaine - le voient dépérir à vue d'œil. Ce n'est pas l'augmentation du trafic automobile qui les inquiète. Cela, ils s'en accommodent volontiers, après tout ils savent qu'on n'a pas construit une route au milieu des champs pour leur plaisir. Ce qui les inquiète, c'est un autre trafic qui se déroule au vu et au su de tous, de jour comme de nuit. C'est le déversement d'ordures et de tout type de déchets sur les bas-côtés de la route. L'introspection du joggeur est gâchée par la nausée qu'inspire cette attaque violente qui s'élargit sans qu'aucune autorité entre Meftah, Cherarba et Alger semble s'alarmer. La route est déjà jonchée d'amas de toute sorte.

HIER, EN COMPAGNIE DU JOGGEUR DU SAMEDI QUI A AMENE LE JOURNALISTE SUR «SA» ROUTE POUR LE CONVAINCRE D'EN PARLER, ON A ETE LE TEMOIN D'UN DECHARGEMENT SAUVAGE EFFECTUE PAR UNE AMBULANCE PRIVEE. «OUI, MEME LES DANGEREUX DECHETS MEDICAUX SONT EN TRAIN D'ATTERRIR ICI». LE SPECTACLE EST DEJA DESOLANT MAIS LA DEGRADATION PEUT ETRE STOPPEE. «TANT QUE LA DAWLA N'A PAS MONTRE QUE CEUX QUI BAFOUENT LA LOI SERONT EFFECTIVEMENT PUNIS PAR LA LOI, CETTE ROUTE VA DEVENIR UNE NOUVELLE DECHARGE», EXPLIQUE NOTRE INTERLOCUTEUR. CONSTAT JUSTE. LA TRANSFORMATION DE LA ROUTE EN DECHARGE EST VISIBLE A L'ŒIL NU ET IL EST IMPOSSIBLE QU'AUCUN «RESPONSABLE» NE L'AIT VU. CE COMPORTEMENT EST TRES CLAIREMENT DECODE COMME ETANT UNE AUTORISATION A DEGRADER SANS RISQUE, DANS L'IMPUNITE LA PLUS TOTALE. LE CONSTAT NE VAUT PAS QUE POUR CETTE ROUTE BUCOLIQUE ATTAQUEE PAR LA LAIDEUR ET L'INSOUCIANCE PUBLIQUE.

par K.Selim du Quotidien d’Oran 08/04/2013