Cheikh Mohand Ou Lhocine Cheikh Mohand Ou Lhocine Mort le 8 octobre 1901, à un âge de 65 ans environ.
cheikh Mohand Ou Lhocine a marqué la société kabyle par sa sagesse, ses actions, ses prophéties. Tout un héritage culturel contenu dans ses dits, exprimé dans une langue poétique où sont bousculés rythme et rime, un verbe créateur, des expressions subtiles capables de résister aux pertes de mémoires d’une population à tradition orale dont les hérauts disparaissent, généralement, après quelques générations.
Le culte des saints est une tradition millénaire en Afrique du Nord (Tamazgha). Des légendes restent, vivaces mais déformées au cours du temps par l’imagination des conteurs ou des bardes, où le merveilleux est sublimé. Qu’en est-il pour cheikh Mohand Ou Lhocine ? Dans une société avide de liberté, consciente de l’omnipotence divine, et traditionnellement attachée, dans chaque village ou tribu (aarc) à divers intercesseurs, hommes ou génies, auprès de la divinité, cheikh Mohand Ou Lhocine s’est imposé comme révélateur de valeurs morales à l’échelle de toute la Kabylie.
Sa Vie
Il a vécu une enfance banale de berger imprégné de piété paysanne, mais son adolescence est marquée par la rupture familiale, troublée par l’errance, la méditation ascétique, la quête de la Vérité. Il fréquente des ermites, visite des sanctuaires et prend conscience de sa vocation de proche de Dieu (lwali). Adulte, il répond à un appel irrésistible d’exercice de la fonction de cheikh, prêtre d’un ordre confrérique existant (la Rahmania) malgré le refus de la hiérarchie de le reconnaître. Il s’installe dans le hameau d’Aït Ahmed, à Taqqa, tribu des Aït Yahia. Illettré en arabe, contrairement aux marabouts, mais doté de baraka, d’une force surnaturelle, il était vénéré comme un saint aux vertus miraculeuses et dont les paroles de sagesse, qu’il prodiguait en langue amazighe à ses visiteurs, étaient soigneusement récoltées et transmises de bouche à oreille.
A l’image du saint marocain du 12e siècle, Bouazza (nom arabisé en Abu Yaaza), maître des plus grands soufis, il ne s’exprimait qu’en langue amazighe et n’a pas eu besoin de voyages initiatiques dans les pays d’Orient, pour découvrir sa vocation. Les visites pieuses ont fait du sanctuaire de cheikh Mohand Ou Lhocine un véritable lieu de pèlerinage avec des objectifs variés : recherche de guérisons (hellu), arbitrages (ferru), bénédictions (daawa l-lxir), patronage (lewrad), conseil (aciwer), etc.
La réputation de cheikh Mohand Ou Lhocine n’a pas échappé à cette tendance à attribuer aux saints des pouvoirs de faiseurs de miracles : thaumaturge, guérisseur, protecteur, devin, visionnaire. Historiquement, cheikh Mohand Ou Lhocine est relativement proche de nous et des témoignages nombreux et concordants ont été rassemblés, surtout par Mouloud Mammeri. Une quête objective des faits et gestes de la vie du Cheikh est possible. Sans doute, pourrons-nous distinguer les miracles effectivement réalisés de ceux qui sont imaginés par la ferveur populaire. Un fait incontestable : son plus grand miracle c’est le verbe. Il a composé des poèmes sizains « dikr » traditionnels, mais leur a donné une empreinte qui les distingue de l’usage : un vocabulaire riche, des expressions fortes qui en font des poèmes de combat, des oeuvres de révélateur de vérités essentielles. Mais il est allé beaucoup plus loin.
Ses paroles s’expriment hors de tout carcan des litanies. Il se libère des règles pour créer des structures superbes qui font mouche. Les dits de cheikh Mohand Ou Lhocine inspirés par la circonstance (un commentaire, un conseil, une répartie, ...) s’imposent au delà du moment et deviennent source de sagesse pour les futures générations. « Inna yas Ccix Muhand », « Cheikh Mohand a dit », titre du livre de Mouloud Mammeri, c’est effectivement la formule d’usage chaque fois qu’on cite le Maître, comme référence, en mainte occasion de la vie quotidienne. L’avènement de l’ère de l’écrit va, heureusement, pérenniser l’oeuvre exceptionnelle de cet homme venu au secours de la Kabylie, dans une période cruciale, celle de son occupation par une puissance étrangère, pour la première fois de son existence pluri-millénaire. Ramdane At Mansour est poète, ancien professeur à l’université et ancien directeur de recherche au CNRS. Mouloud Mammeri, Yenna-yas Ccix Muhend [« Le Cheikh Mohand a dit »], Alger, Laphomic, 1989. * Kamel Bouamara, article « Mohand-Ou-Lhocine (cheikh) » dans Hommes et femmes de Kabylie - Collectif sous la direction de Salem Chaker, éd. Edisud, 2000 (ISBN 2744902349). * Camille Lacoste-Dujardin, article (« Mohand u Lhosine, cheikh ») du Dictionnaire de la culture berbère en Kabylie, La Découverte, Paris, 2005 (ISBN 2707145882). * Mohamed Ghobrini, Dialogue de géants (Roman), éd. El Amel, Tizi Ouzou, 2006. * Muhend Uremdane Larab "Tadyant n Ccix Muhend Ulhusin" edition imperial 1997 Rabat Maroc