1 .PRÉSENTATION :
Médecine, histoire de la histoire des événements marquants qui ont jalonné le développement des sciences médicales depuis la préhistoire.
2.MÉDECINE PRÉHISTORIQUE :
La connaissance des pratiques médicales préhistoriques repose essentiellement sur l’étude anatomopathologique des restes fossilisés de nos lointains ancêtres. Leurs ossements présentent parfois des séquelles de maladies identifiables par les spécialistes : fractures, luxations, graves entorses ou tumeurs. Mais, pour des raisons évidentes, seules les pathologies ayant des répercussions sur la structure osseuse sont identifiées. Certains traitements rudimentaires, comme la trépanation, à laquelle semblent avoir survécu quelques malades, sont également visibles. Pour les périodes préhistoriques plus récentes, celles du néolithique par exemple, les préhistoriens disposent de beaucoup plus d’éléments. En dehors des restes humains, ils ont retrouvé de nombreux instruments ou objets dont l’utilisation à des fins médicales semble certaine. En outre, ils établissent des comparaisons avec les pratiques actuelles de tribus primitives étudiées en anthropologie. En se fondant sur ces comparaisons, les maladies devaient présenter un grand intérêt pour les premiers hommes même s’ils n’étaient pas capables de les traiter efficacement. Comme dans bon nombre de sociétés traditionnelles actuelles, ils devaient diviser la genèse des maladies en deux catégories, chacune ayant ses propres instruments thérapeutiques. La première catégorie, la plus importante, concerne les maladies attribuées à l’influence de démons malveillants, capables d’introduire un esprit étranger, une pierre ou un ver dans le corps d’individus sans méfiance. Ils combattent ce genre d’affections à l’aide d’incantations, de danses, de pratiques magiques, de charmes et de talismans. Si l’on suppose que le démon est parvenu à pénétrer dans le corps de sa victime, en l’absence de telles précautions, ou en dépit de celles-ci, on s’efforce de rendre ce corps inhabitable pour le démon en battant ou en affamant le patient. On essaie aussi d’expulser l’esprit à l’aide de potions provoquant de violents vomissements ou en perçant un orifice dans le crâne. Ce dernier procédé, appelé trépanation, constitue également le remède pour la démence, l’épilepsie et les maux de tête.
Toutefois, les traitements spécifiquement dirigés contre une maladie doivent être beaucoup plus efficaces. Les procédés thérapeutiques sont relativement nombreux dans les sociétés anciennes : nettoyage et traitement des blessures par cautérisation, cataplasmes et sutures, réduction des luxations et des fractures, utilisation d’attelles. D’autres traitements comportent l’utilisation de purgatifs, de laxatifs, d’émétiques provoquant des vomissements et de lavements. Les plus grands succès ont sans doute été obtenus avec l’utilisation d’extraits de plantes aux propriétés stimulantes et narcotiques. Certains de ces traitements sont si efficaces qu’ils continuent d’être utilisés de nos jours. La digitaline, un stimulant cardiaque extrait de la digitale, est l’un des plus connus.
3.PRATIQUE MÉDICALE ANTIQUE :
De nombreux systèmes médicaux préscientifiques, fondés principalement sur la magie, les remèdes traditionnels et une chirurgie élémentaire existent donc dans certaines sociétés avant l’avènement de la médecine grecque aux environs du vie siècle av. J.-C.
3.1.Médecine égyptienne :
On peut discerner deux tendances distinctes dans la médecine égyptienne : d’une part, des pratiques magiques et religieuses et, d’autre part, une tendance au rationalisme, fondée sur l’expérience et l’observation. Les affections des yeux et de la peau sont traitées par un médecin en raison de leur localisation bien visible, alors que les troubles moins accessibles continuent à être traités par des sortilèges et des incantations du prêtre magicien. Au cours de la troisième dynastie, le médecin est un « préscientifique » dont les pratiques s’opposent à celles du sorcier ou du prêtre. Toutefois, les frontières ne sont pas hermétiques entre ces deux types de pratique. Ainsi l’architecte et ingénieur Imhotep (v. 2600 av. J.-C.), également grand prêtre du temple d’Héliopolis, est considéré comme le premier médecin, le père de la discipline, en raison de son savoir médical rationnel exceptionnel pour l’époque.
La formation du médecin, dispensée dans des écoles, dure de nombreuses années au cours desquelles sont enseignés l’art de l’interrogatoire, de l’examen et de la palpation (examen du corps par le toucher). Les prescriptions ordonnent des médicaments dont l’usage s’est perpétué au cours des siècles. Des textes rapportent l’utilisation de laxatifs, préparés à partir de dattes, de figues et d’huile de ricin. L’acide tannique, extrait de la noix d’acacia, est utilisé pour le traitement des brûlures.
Bien que les Égyptiens pratiquent l’embaumement, leurs connaissances anatomiques sont faibles. Ils ne pratiquent que des interventions chirurgicales mineures, à l’exception de la trépanation. Selon les écrits de l’historien grec Hérodote (v. 484 av. J.-C.-v. 425 av. J.-C), les anciens Égyptiens considèrent l’art dentaire comme une spécialité chirurgicale importante. Ce philosophe grec a également été influencé par les travaux de physiologie et de pathologie du médecin égyptien Imhotep, dont il aurait pris connaissance au cours de son voyage en Égypte au viie siècle av. J.-C.
3.2.Médecine mésopotamienne :
En raison des systèmes théocratiques qui prévalent en Assyrie et à Babylone, la médecine de ces pays est inséparable des pratiques magiques. Les tablettes cunéiformes qui sont parvenues jusqu’à nous montrent des séries importantes de cas pathologiques bien classifiées. Plus surprenant, des modèles de foies en terre cuite très fidèles ont été retrouvés au cours de fouilles archéologiques. Le foie, considéré alors comme le siège de l’âme, revêt en Mésopotamie une importance toute particulière et son étude anatomique révèle les intentions des dieux. Les rêves sont également étudiés dans le même but.
Un grand nombre de remèdes sont utilisés en Mésopotamie, parmi lesquels plus de cinq cents médicaments, dont certains sont d’origine minérale. Les incantations chantées par des prêtres, que l’on peut aujourd’hui rapprocher d’une forme de psychothérapie, s’avèrent souvent efficaces.
3.3.Médecine chinoise :
Dans la Chine ancienne, les interdictions religieuses vis-à-vis des dissections conduisent à des connaissances parcellaires et/ou erronées de la structure et des fonctions du corps humain. En conséquence, les techniques chirurgicales restent élémentaires. Les traitements externes comprennent des massages et la pose de ventouses. Deux techniques thérapeutiques connaissent un extraordinaire développement : l’acupuncture, ou piqûre de la peau par des aiguilles et les cautères, ou brûlures de la peau par application de moxa brûlants, une préparation de feuille d’armoise de Chine trempée dans l’huile. Parmi les principaux médicaments chinois, on trouve la rhubarbe, l’aconit, le soufre, l’arsenic et le plus important d’entre eux, l’opium. Des préparations à base d’organes et d’excrétions d’animaux, survivances d’anciens rituels, sont aussi utilisées
3.4.Médecine gréco-romaine :
La médecine grecque d’Alexandrie influence fortement les conquérants romains. Asclépiade (v. 124 av. J.-C.-40 av. J.-C.) joue un rôle important dans l’établissement de la médecine grecque à Rome au ier siècle av. J.-C. S’opposant à la théorie des humeurs, Asclépiade enseigne que le corps est constitué de particules discontinues, ou atomes, séparées par des pores. La maladie est selon lui causée par les restrictions apportées aux mouvements ordonnés des atomes ou par le blocage des pores. Il propose, comme méthode pour parvenir à la guérison, des exercices, des bains, et une alimentation spécifique plutôt que des médicaments. Cette théorie réapparaîtra périodiquement sous des formes variées jusqu’au xviiie siècle.
Les principaux auteurs de traités médicaux des ier et iie siècles apr. J.-C. sont Dioscoride, connu pour ses études sur les plantes médicinales, Galien de Pergame, dont les enseignements anatomiques (qui renferment de nombreuses erreurs, car fondés sur la dissection d’animaux) feront autorité jusqu’au milieu du xvie siècle, Celse, auteur d’une encyclopédie en vingt volumes, dont huit sont consacrés à la médecine, Artaeus de Cappadocce (iie siècle apr. J.-C.), disciple d’Hippocrate, Rufus d’Éphèse (début du iie siècle apr. J.-C.), renommé pour ses recherches sur le cœur et les yeux, et enfin Soranus d’Éphèse, qui a réuni des informations relatives à l’obstétrique et à la gynécologie, apparemment fondées sur des dissections humaines.
3.5.Médecine romaine :
Les contributions romaines originales interviennent dans les domaines de la santé publique et de l’hygiène. Les méthodes romaines d’assainissement des rues, d’adduction d’eau et d’hospitalisation publique ne sont pas améliorées avant l’ère moderne.
4.MÉDECINE MÉDIÉVALE :
À la suite des Grandes Invasions qui disloquent l’Empire romain, la médecine — et les sciences en général — connaît une longue période de stagnation. La médecine occidentale est alors constituée d’une bonne part de folklore, mêlé de restes mal compris des enseignements classiques. À Constantinople, une série d’épidémies provoque une résurgence des pratiques magiques. Seuls quelques médecins grecs tels Oribasius, Alexandre de Tralles et Paul d’Égine, derniers représentants de la médecine classique, qui perpétuent une tradition d’investigations et de progrès médicaux face à la superstition et à la stagnation de la réflexion scientifique.
4.1.Médecine arabo-musulmane :
Au viie siècle, une grande partie du monde oriental a été conquis par les Arabes. Ceux-ci ont hérité des connaissances médicales du monde grec antique, acquises notamment en Perse : l’école de Nisibis (fondée par l’Église chrétienne nestorienne et dont l’organisation en départements — théologie, philosophie et médecine — en fait la première université moderne), en particulier, est riche de manuscrits de nombreux textes classiques qui avaient été perdus lors de l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie en 47 av. J.-C. Les traductions et commentaires en arabe des textes grecs et persans effectués entre le viiie et le xe siècle jouent un rôle fondamental dans le développement de la médecine arabe. Au ixe siècle, la ville de Bagdad devient un centre intellectuel florissant ; à la Bayt al-hikma (« Maison de la Sagesse »), fondée vers 832, sont produits l’essentiel des ouvrages médicaux majeurs de l’époque, qui associent des traductions des textes classiques ainsi que des productions originales de leurs auteurs. Ainsi, Ibn Massawayh (776-855, dit Mésué l’Ancien dans le monde latin), premier directeur de la Maison de la Sagesse et traducteur (vers l’arabe) de nombreux ouvrages grecs et persans, invente aussi un certain nombre de nouveaux traitements et rédige nombre d’ouvrages médicaux (notamment le Livre des axiomes médicaux, An-Nawardir at-Tibiya). Son élève Ibn Ishâq (v. 809-873, dit Johannitius) est quant à lui l’un des traducteurs d’ouvrages antiques les plus renommés du monde médiéval. Directeur de l’hôpital de Bagdad, al-Razi, dit Rhazès ((v. 864-v. 925), est l’auteur d’une soixantaine de traités médicaux, dont le Kitab al-Hawi (traduit en latin par Liber continens, le « livre contenant toute la médecine »), encyclopédie en 20 volumes compilant les connaissances médicales grecques, perses et arabes de l’époque, enrichies par ses propres observations et expériences. Il est aussi le premier clinicien à identifier et décrire la variole et la rougeole. Son contemporain Isaac ben Solomon Israeli (v. 850–v. 950, en arabe Ishâq ibn Sulayman al-Isra’ili), installé à Kairouan à partir de 904 environ et médecin personnel des premiers califes fatimides de Tunisie, se place au rang des plus illustres médecins médiévaux. Auteur du premier livre entièrement dédié à la diététique, le Livre des simples et de la diététique (Kitab al-adwiya al-mufrada walaghdhiya, traduit en latin sous le titre Diaetae Universales et Particulares), il est aussi connu pour ses Livre des fièvres (Kitab al-Hummayat) et Livre des urines (Kitab al-Baul).
Cordoue, émirat omeyade, est également un centre intellectuel de première importance du monde arabo-musulman ; au xe siècle, sa bibliothèque conserve quelque 600 000 ouvrages. S’y illustre notamment Abul Qasim (v. 936-1013, dit Albucasis), médecin personnel du calife de Cordoue ; le livre consacré à la chirurgie de son traité Al-Tasrif (la Pratique) est en effet considéré comme le sommet de la chirurgie médiévale.
Parmi les travaux qui ont marqué la médecine arabe médiévale, il convient de citer le Canon de la médecine d’Avicenne (980-1037) qui, considéré comme la synthèse exemplaire des doctrines d’Hippocrate, d’Aristote et de Galien, influencera l’enseignement occidental de la médecine jusqu’au xvie, voire jusqu’au xviie siècle par endroits. Ibn Zuhr (1091-1161), connu en Occident sous le nom d’Avenzoar, décrit le parasite de la gale et est l’un des premiers à remettre en cause l’autorité de Galien. Au xiie siècle, Ibn Ruch, dit Averroès, rédige un grand traité de médecine, le Kitab al-Kulliyyat (« livre des généralités », traduit en latin sous le titre de Colliget) ; il est aussi reconnu comme le plus grand commentateur d’Aristote. Maïmonide, élève d’Averroès, est l’auteur de remarquables travaux sur l’alimentation, l’hygiène et la toxicologie ; on lui attribue également un serment médical posant des principes éthiques (« la prière d’un médecin »). Ibn al-Nafīs (1205-1288), connu aussi sous le nom d’Al-Quarashi), rédige des commentaires sur les écrits d’Hippocrate et des traités sur l’alimentation et les maladies des yeux. Il est également le premier à décrire la circulation pulmonaire, passage du sang du ventricule droit au ventricule gauche via les poumons.
Tous ces savants ont élevé les exigences de la profession en mettant l’accent sur les examens que devaient passer les médecins avant de pouvoir exercer. Ils ont introduit de nombreuses substances thérapeutiques et excellé dans les domaines de l’ophtalmologie et de l’hygiène publique ; leur compétence était bien plus élevée que celle des médecins de l’Europe médiévale.
4.2.Médecine européenne :
L’Europe médiévale précoce souffre d’une désorganisation complète de la communauté médicale laïque. Afin de subvenir aux besoins médicaux, une forme de médecine ecclésiastique voit le jour, tirant son origine des hôpitaux monastiques. Elle se développe rapidement sous forme d’institutions charitables conçues pour soigner les nombreux patients atteints de la lèpre ou d’autres maladies. Les bénédictins sont tout particulièrement actifs dans ce domaine, recueillant et étudiant les textes médicaux anciens dans leur bibliothèque du Mont-Cassin en Italie. Saint Benoît de Nursie, fondateur de l’ordre, impose à ses membres l’étude des sciences, et en particulier la médecine.
À l’époque du théologien franc Rabanus Maurus, Fulda devient un centre d’enseignement célèbre en Allemagne. Au ixe siècle, en raison des efforts de Charlemagne, la médecine est introduite dans l’enseignement des écoles cathédrales. À l’inverse, l’ecclésiastique français Saint Bernard de Clairvaux interdit aux moines cisterciens l’étude des ouvrages médicaux ainsi que l’utilisation de remèdes autres que les prières.
Au cours des ixe et xe siècles, l’ancienne station sanitaire de Salerno, près du Mont-Cassin, devient progressivement un centre médical reconnu. Au début du xie siècle, la première école de médecine occidentale est construite à Salerne. L’enseignement, d’ordre pratique et séculier, met l’accent sur l’alimentation et l’hygiène personnelle. Le médecin et traducteur Constantin l’Africain (v. 1015-v. 1087) qui, né à Carthage, devient moine bénédictin à l’abbaye du Mont-Cassin, traduit (d’arabe en latin) et adapte de nombreuses sommes médicales pour les élèves de Salerne et du Mont-Cassin. Au xiie siècle, l’instruction médicale devient de plus en plus théorique et scolastique. Des universités de médecine sont créées à Bologne, Padoue, Montpellier, Paris, Oxford… Par ailleurs, vers 1141-1143, l’archevêque Raymond de Tolède fonde, à Tolède, un collège de traducteurs qui, se consacrant à la traduction en latin des manuscrits médicaux arabes, permettent aux connaissances médicales arabes et grecques de commencer à diffuser dans l’Occident médiéval. Parmi eux figure en particulier Gérard de Crémone (1114-1187), traducteur d’Albucasis, Avicenne, Rhazès, Isaac Israeli, etc.
À partir du xiiie siècle, à la fin de leurs études, les médecins doivent passer un examen devant leurs pairs avant d’exercer leur art. Les savants représentatifs de cette période sont le scolastique allemand saint Albert le Grand, qui étudie et commente les ouvrages scientifiques d’Aristote, et le philosophe anglais Roger Bacon, qui mène des recherches en optique. Roger Bacon a été le premier à suggérer que la médecine pouvait utiliser des remèdes produits par la chimie. Considéré comme un penseur original et un pionnier de la science expérimentale, il est pourtant dominé par l’autorité des auteurs grecs et arabes.
En Italie, les universités de Bologne et de Padoue deviennent, au xiiie siècle, des centres médicaux de premier plan. À cette époque, le statut social du chirurgien est inférieur à celui du médecin. Néanmoins, des avancées importantes sont effectuées par les chirurgiens Ugo Borgognoni da Lucca (1180-1258, connu aussi sous le nom de Hugues de Lucques) et son fils Teodorico (1206-1298), qui exercent et enseignent à Bologne. Ils contredisent les enseignements de Galien sur le traitement des fractures, des luxations et des blessures, et préconisent l’endormissement des patients avant les opérations. Ils recommandent aussi que les plaies soient nettoyées et asséchées (auparavant, on pensait qu’il fallait laisser le pus s’y former pour obtenir la cicatrisation), puis refermées le plus vite possible. Guillaume de Salicet (1201-1277), qui exerce à Bologne, et son élève Guido Lanfranchi (v. 1240/1250-v. 1306), sont les pionniers de l’anatomie chirurgicale. Vers 1300, à l’université de Bologne, on recommence, pour la première fois, à réaliser des dissections de cadavres : les erreurs des anciens peuvent ainsi commencer à être levées.
Élève de Teodorico Borgognoni et de Guillaume de Salicet, le Français Henri de Mondeville (1260-1320), chirurgien des rois Philippe le Bel et Louis le Hutin, est l’initiateur et le défenseur, en France, du traitement aseptique des plaies et de l’utilisation des sutures ; il est aussi l’auteur d’un volumineux traité novateur (Cyrurgia). Guy de Chauliac (v. 1280/1300-1368) réalise quant à lui la première description clinique de la peste en 1348 ; auteur de Chirurgica Magna (Grande Chirurgie, 1363), somme chirurgicale en 7 traités, il est considéré comme le père de la chirurgie moderne. Il insiste sur l’importance des dissections anatomiques au cours de la formation du chirurgien. Il est, en outre, l’inventeur de nombreux instruments chirurgicaux.
5.MÉDECINE DE LA RENAISSANCE :
La Renaissance n’est pas marquée par une rupture brutale dans la pensée médicale, mais par un fort regain d’activité dans le domaine des recherches en anatomie et en pathologie, qui entraîne la progressive remise en question de dogmes admis sans réserve depuis l’Antiquité. Par ailleurs, la médecine bénéficie des travaux des artistes de la Renaissance, qui s’intéressent à l’anatomie — notamment celle des muscles — dans le but de mieux dessiner le corps humain. Léonard de Vinci, tout particulièrement, réalise des dessins anatomiques remarquablement précis en se fondant sur la dissection de corps humains. Cependant, son travail, dont la plus grande partie a été perdue, n’a finalement qu’une influence mineure sur ses contemporains.
En 1543, la publication du traité d’anatomie De Humani Corporis Fabrica (la Fabrique du corps humain) par l’anatomiste flamand André Vésale constitue un événement déterminant de l’histoire médicale. Réalisant de nombreuses dissections de cadavres humains, il est en effet le premier à mettre en évidence les nombreuses erreurs héritées de l’enseignement de Galien (dont les observations avaient été réalisées non sur le corps humain, mais sur celui d’animaux, notamment de singes). En dépit des vives contestations qu’ils suscitent dans un premier temps, ses travaux marquent la naissance de l’anatomie moderne. À sa suite, de nombreux anatomistes vont réaliser des observations et découvertes fondamentales. Ainsi l’anatomiste et chirurgien italien Gabriel Fallope, auteur d’Observationes anatomicae (Observations anatomiques, 1561) décrit les trompes utérines qui portent aujourd’hui son nom (trompes de Fallope), ainsi que le tympan. Il diagnostique des maladies des oreilles à l’aide d’un spéculum auriculaire et décrit en détail les muscles oculaires et les canaux lacrymaux. Galien est également contredit par le médecin espagnol Miguel (dit en français Michel) Servet, qui décrit correctement la circulation du sang dans les poumons et montre que la digestion est la source de la chaleur corporelle.
Durant la première moitié du xvie siècle, le médecin et alchimiste suisse Paracelse rompt avec la tradition en brûlant les traités de médecine classique, en professant en allemand (au lieu du latin, langue des érudits), et en découvrant de nouveaux remèdes chimiques. Le chirurgien français Ambroise Paré, qui publie ses travaux en français (et non en latin, jusque-là unique langue de transmission des connaissances), fait faire des progrès considérables aux techniques curatives des plaies importantes, en proposant la ligature des artères en lieu et place de la cautérisation au fer rouge alors employée. Le poète et médecin italien Girolamo Fracastoro (1483-1553), dit Jérôme Fracastor, parfois considéré comme le père de l’épidémiologie scientifique, montre le caractère spécifique des fièvres et décrit le typhus. Il publie en 1530 un poème mythologique qui lui sert de cadre à une description minutieuse de la syphilis, Syphilis ive Morbus Gallicus (« la syphilis ou maladie des Gaulois »). Sa théorie selon laquelle les maladies infectieuses sont transmises par des graines de contagion invisibles, capables de se reproduire, fait de lui le précurseur des théories bactériologiques modernes.
6.L’AUBE DE LA MÉDECINE MODERNE :
L’événement qui domine la médecine du xviie siècle et marque le début d’une nouvelle époque pour la science médicale est la découverte de la circulation sanguine et du rôle moteur du cœur par le médecin et anatomiste anglais William Harvey, qui publie en 1628 ses conclusions dans Exercitatio Anatomica de Motu Cordis et Sanguinis in Animalibus (Essai d’anatomie sur le mouvement du cœur et du sang chez les animaux). Il établit que le cœur pompe le sang à l’intérieur d’un circuit fermé. Avec la découverte de la circulation pulmonaire effectuée par Michel Servet, et celles des chylifères (petits vaisseaux lymphatiques des villosités de l’intestin grêle) et des capillaires sanguins par les anatomistes italiens Gasparo Aselli (v. 1581-1626) et Marcello Malpighi respectivement, le système circulatoire est désormais complet.
En Angleterre, le médecin Thomas Willis (1621-1675) explore l’anatomie du cerveau et du système nerveux. Il est le premier à identifier le diabète sucré et à décrire de nombreuses pathologies nerveuses. Le médecin anglais Francis Glisson (1597-1677) pose quant à lui les bases de la connaissance moderne de l’anatomie du foie et décrit le rachitisme. Le médecin anglais Richard Lower (1631-1691) effectue un travail fondamental sur l’anatomie du cœur mais, surtout, réalise l’une des premières transfusions sanguines réussies. Ses travaux complètent ceux des autres membres du groupe d’Oxford, Robert Boyle et Robert Hooke, pionniers dans le domaine de la connaissance de la physiologie de la respiration.
Toujours au xviie siècle, le philosophe et mathématicien français René Descartes effectue des dissections, étudie l’anatomie de l’œil et le mécanisme de la vision. Il soutient que le corps fonctionne comme une machine, point de vue également défendu par le médecin italien Santorio Santorio (qui publie sous le pseudonyme de Sanctorius, 1561-1636), qui étudie le métabolisme et invente le premier thermomètre muni d’une échelle graduée (1608), et le mathématicien et astronome italien Giovanni Alfonso Borelli (1608-1679), qui propose une explication des mouvements du corps fondée sur les principes de la mécanique (De muto animalium — « du mouvement animal » —, publié à titre posthume en 1680-1681). Jan Baptist Van Helmont, médecin et chimiste flamand, est le fondateur d’un courant de pensée opposé, connu sous le nom de iatrochimie, selon lequel la vie est une série de processus chimiques ; il découvre notamment l’action du suc gastrique dans la digestion. Son travail a été précédé par celui de l’anatomiste prussien Franciscus Sylvius (1614-1672), qui a étudié la chimie de la digestion et mis l’accent sur le traitement des maladies par les médicaments.
Le médecin anglais Thomas Sydenham réalise d’importantes études sur le mécanisme des épidémies, et différencie la scarlatine de la rougeole. Il met l’accent sur l’approche clinique de la médecine et rétablit l’importance de l’enseignement au chevet des malades, ce en quoi il est suivi par le médecin hollandais Hermann Boerhaave. Dans les années 1630, l’introduction en Europe de la poudre d’écorce de quinquina (connue sous le nom de poudre des Jésuites), qui deviendra plus tard la quinine, marque un progrès important dans la lutte contre la malaria (ou paludisme).
Au xviiie siècle, après les découvertes de l’astronome polonais Nicolas Copernic, du physicien et astronome italien Galilée et du mathématicien anglais Isaac Newton, la médecine tend à s’adapter aux exigences des investigations scientifiques modernes. De nouvelles perspectives s’ouvrent aux médecins, et le xviiie siècle représente aussi une période au cours de laquelle diverses théories plus ou moins contradictoires, certaines plus ou moins erronées, sont proposées.
7.LE MÉDECINE DU XIXE SIÈC :
De nombreuses découvertes du xixe siècle conduisent à des avancées importantes dans le domaine du diagnostic, du traitement des maladies et de la chirurgie. Le diagnostic des troubles pulmonaires connaît ainsi un progrès important grâce à la publication, en 1808, de la Nouvelle méthode pour reconnaître les maladies internes de la poitrine par la percussion de cette cavité ; traduit par Jean-Nicolas Corvisart (1755-1821, médecin personnel de Napoléon Bonaparte), ce traité avait été publié en 1761 par le médecin autrichien Leopold Auenbrugger von Auenbrugg (1722-1809), mais sa diffusion était restée très confidentielle. En 1819, le médecin français René Laennec invente le stéthoscope toujours en usage aujourd’hui ; Thomas Addison, par ses travaux, est le fondateur de l’endocrinologie. La période est aussi à la description de maladies, qui prennent souvent le nom du scientifique qui les a étudiées ; ainsi Thomas Hodgkin (1798-1866) décrit une maladie maligne du tissu lymphatique appelée aujourd’hui maladie de Hodgkin, tandis que le chirurgien James Parkinson dépeint le tableau clinique de la maladie de Parkinson.
8.MÉDECINE DES XXE ET XXIE SIÈCLES :
Au xxe siècle, de nombreuses maladies infectieuses sont vaincues grâce aux vaccins, aux antibiotiques et à l’amélioration des conditions de vie. Le cancer devient une maladie plus courante, et une des premières causes de mortalité, mais les traitements, qui combattent efficacement certaines formes de la maladie, se développent. La recherche fondamentale progresse également beaucoup. Des découvertes importantes sont réalisées dans de nombreux domaines, spécialement en ce qui concerne les bases de la transmission des caractères héréditaires ainsi que les mécanismes chimiques et physiques du fonctionnement cérébral.
8.1.Génétique :
L’une des découvertes fondamentales du xxe siècle est la compréhension de la transmission des caractères héréditaires. Une avancée importante, réalisée par Oswald Theodore Avery et ses collaborateurs dans les années 1940, montrent que les caractères génétiques peuvent passer d’une bactérie à une autre grâce à une substance appelée acide désoxyribonucléique (ADN). En 1953, le physicien anglais Francis Harry Compton Crick et le biologiste américain James Dewey Watson proposent une structure en double hélice pour l’ADN permettant d’expliquer le transport de l’information génétique. Le biochimiste américain Marshall Warren Nirenberg apporte les détails essentiels de ce schéma dans les années 1960, et le biochimiste américain d’origine indienne Har Gobind Khorana réalise la synthèse d’un gène en 1970. À la fin des années 1970, les scientifiques développent des méthodes capables d’altérer les gènes. Ces procédés, et ceux du même type, constituent l’ingénierie génétique. Ils ont été appliqués à la production de grandes quantités de substances humaines pures, comme les hormones et l’interféron.
8.2.Chirurgie :
Au cours de la seconde moitié du xxe siècle, des opérations particulièrement délicates sont réalisées. En 1962, un bras complètement coupé au niveau de l’épaule est réimplanté, pour la première fois, avec succès. Des procédures courantes et moins spectaculaires concernent la greffe de doigts et d’orteils amputés accidentellement. Cette chirurgie réparatrice a été rendue possible par les microscopes opératoires grâce auxquels les chirurgiens peuvent suturer et raccorder les nerfs et les vaisseaux. Des articulations synthétiques de la hanche permettent aux personnes atteintes d’arthrite de marcher à nouveau. L’insuffisance rénale, autrefois fatale, est couramment traitée, soit par une transplantation de rein, soit par un traitement au long cours par un rein artificiel (dialyse). En 1975, un grand essai expérimental montre que les diabétiques porteurs de lésions des vaisseaux oculaires peuvent être sauvés de la cécité par un traitement au rayon laser. Certains cas graves d’épilepsie sont actuellement guéris en résorbant la région cérébrale responsable avec une sonde réfrigérante à l’azote liquide.
Les années 2000 ont vu la réalisation de plusieurs opérations remarquables constituant chacune dans leur domaine des premières mondiales. C’est ainsi qu’en 2000, en France, une équipe de dix-huit chirurgiens, dirigée par le Français Jean-Michel Dubernard (1941- ) et de l’Australien Earl Owen, réalise la première greffe des deux mains. En juillet 2001 est greffé sur un patient au États-Unis le premier cœur artificiel autonome puis, en septembre 2001, a eu lieu la première opération chirurgicale effectuée à distance par l’intermédiaire d’un robot — pour cette ablation de la vésicule biliaire, le chirurgien se trouve à New York, à 7 500 km de sa patiente, hospitalisée au CHU de Strasbourg. En novembre 2005, une équipe dirigée par les Français Bernard Devauchelle et Jean-Michel Dubernard, tente et réussit la première greffe partielle de visage.
8.3.Lutte contre les maladies infectieuses :
De nombreuses maladies infectieuses ont été vaincues au xxe siècle grâce à l’amélioration du système sanitaire, aux antibiotiques et aux vaccins. Le traitement des infections par des médicaments spécifiques commence avec la découverte par le médecin allemand Paul Ehrlich de l’arsphénamine, un composé contenant de l’arsenic, comme traitement de la syphilis. En 1932, le biologiste allemand Gerhard Domagk démontre l’efficacité du colorant prontosil rubrum contre les infections à staphylocoque. La découverte du principe actif du prontosil, la sulfanilamide, conduit à la synthèse des sulfonamides antibiotiques. La purification de la pénicilline en 1938 par les biochimistes britanniques Howard Florey et Ernst Chain suit de dix ans la découverte par Alexander Fleming de l’activité antibiotique de germes des moisissures Penicillium notatum. La survenue de la Seconde Guerre mondiale conduit à une production immédiate et à grande échelle de la pénicilline, épargnant ainsi de nombreuses vies humaines.
Un antibiotique spécifique contre la tuberculose, la streptomycine, est également découvert. La lèpre est traitée efficacement par des médicaments appelés sulfones, et le paludisme par des dérivés chimiques de la quinine, extraite de l’écorce du quinquina. Les médicaments antiviraux restent encore rares, si bien que les vaccins sont souvent le seul rempart contre les maladies virales. Parmi les premiers vaccins figure celui contre la variole, découvert par Edward Jenner en 1796 ; celui contre la fièvre typhoïde développé par le bactériologiste britannique Almroth Wright (1861-1947) en 1897 ; celui contre la diphtérie mis au point en 1923 ; celui contre le tétanos découvert dans les années 1930.
Une avancée décisive dans la préparation des vaccins survient dans les années 1930 avec le développement, par les microbiologistes américains John Franklin Enders (1897-1958) et Frederick Chapman Robbins (1916-2003), d’une méthode permettant de faire croître des virus dans des cultures tissulaires. Cela permet le développement des vaccins contre la fièvre jaune, la poliomyélite, la rougeole, les oreillons et la rubéole. Au début des années 1980, l’ingénierie génétique donne naissance aux vaccins contre l’hépatite B, la grippe, l’herpès simplex et la coqueluche.
Toutefois, la lutte contre les maladies infectieuses devient plus difficile dans la seconde partie du xxe siècle. La médecine se trouve en effet confrontée à deux grands types de phénomènes préoccupants : d’une part l’apparition de résistances des bactéries aux antibiotiques ou des parasites — notamment le plasmodium responsable du paludisme — aux antiparasitaires(un phénomène qu’elle a elle-même généré par l’utilisation massive de ces derniers) ; d’autre part à tout un ensemble de maladies émergentes ou réémergentes, telles la légionellose, la fièvre Ebola ou encore le sida.
8.4.Immunologie :
Jusqu’au xxe siècle, les connaissances sur le système immunitaire sont limitées. On connait principalement sa production d’anticorps en réponse à une infection ou à une immunisation. Au cours des années 1930, l’immunologiste allemand Karl Landsteiner montre la spécificité des réactions des anticorps. Les scientifiques découvrent également qu’il existe une variété infinie de molécules d’anticorps (ou immunoglobulines). Le rôle de l’immunoglobuline E est démontré dans la survenue des réactions allergiques, et, dans les années 1950, la structure générale des immunoglobulines a été déchiffrée.
Il est mis en évidence que le système immunitaire est responsable des réactions dues au facteur rhésus lors des accouchements, ainsi que des échecs lors des greffes. Ces observations conduisent au développement d’un antisérum qui élimine efficacement la réaction due au facteur rhésus, ainsi qu’à l’utilisation de médicaments capables de neutraliser temporairement le système immunitaire pour lutter contre les rejets de greffe (traitements immunosuppresseurs). La formation d’anticorps est aussi reconnue responsable des réactions aux transfusions sanguines. Le typage du sang, qui permet de déterminer les groupes sanguins, fait de la transfusion une procédure sûre et largement répandue.
Au cours de la seconde moitié du xxe siècle, les scientifiques découvrent une composante importante du système immunitaire, appelée immunité cellulaire, qui est constituée par les lymphocytes. Cette découverte a permis, notamment, de corriger des déficiences immunitaires héréditaires en réalisant des injections de cellules sanguines prélevées dans la moelle osseuse de proches parents.