L’arrivée du mois de Ramadan
Dr. Reda Bouchama
Louange à Allah Seul ; et prière et salut sur celui après lequel il n’y a point de Prophète. Cela dit :
Parmi les innombrables grâces [qu’Allahعزّ وجلّ nous a accordé] : l’alternance du jour et de la nuit, et des mois et des journées. Ce qui permet au cœur du croyant de se livrer à une succession d’actes d’adoration et d’obéissance, le rapprochant davantage d’Allahعزّ وجلّ, le Maître, le Généreux, le Puissant, le Miséricordieux.
Dans ces jours bénis, le mois du bien et des bonnes œuvres s’est présenté à nous ; un mois qui nous apprend la patience et la bienfaisance. Les gens, toutefois, diffèrent quant à leur conduite à la venue de ce mois d’obéissance. Il y a, parmi eux, ceux qui sont comparables à ce qu’a dit Aboû Nawwâs -qu’Allah le traite tel qu’il le mérite- dans les vers suivants :
- Combien te reste-t-il, ô mois [de Ramadan] !
- A cause de toi, nous sommes malades et ennuyés à fond.
- On ne fait l’apologie de Chawwâl([1]).
- Sans te désapprouver au passage.
- Et si simplement tu disparaissais !
- C’est ce que nous ne saurions hélas espérer !
- Et s’il avait été possible de tuer un mois.
- Nous t’aurions certes tué.
Ces gens-là sont les plus éloignés parmi tous de connaître les sagesses que renferme le jeûne et de saisir ce qu’Allahعزّ وجلّ voudrait de Ses serviteurs qu’ils retiennent de ce mois. Pour ces gens, l’arrivée de ce mois est de mauvais augure. Ils ne font alors que dormir le jour et veiller la nuit, brûlant d’impatience de voir ses jours arriver à leur terme, afin de donner libre cours à leurs passions et désirs.
Al-Boukhâri a rapporté dans son Sahîh (hadith 1903) qu’Aboû Hourayra رضي اللهُ عنه a dit : « Le Prophète صلى اللهُ عليه وآله وسَلَّم a dit : « Celui qui ne s’abstient pas de dire des propos interdits, de faire des actes interdits et de porter atteinte aux gens, Allah عزّ وجلّ n’aura aucun besoin qu’il s’abstienne de manger et de boire. »
Dans un autre hadith cité dans Al-Mousnad (hadith 8856) et dans les recueils As-Sounane, le Prophète صلى اللهُ عليه وآله وسَلَّم a dit : «Nombreux sont ceux qui jeûnent, mais ne récoltent de leur jeûne que la faim et la soif. Nombreux sont ceux qui passent la nuit debout à faire la prière, mais ne recueillent de celle-ci que la veille [en vain]. »
D’autres, par ailleurs, réservent ce mois sacré pour satisfaire leurs désirs et céder à leurs caprices. Ils ne se réveillent et ne dorment qu’en voyant des choses prohibées. L’un d’eux se trace lui-même un programme ou d’autres lui inscrivent à l’horaire ce qu’il doit faire et regarder de ce qu’Allahعزّ وجلّ a interdit. Des programmes pernicieux, des chaînes obscènes et des séries télévisées d’une bassesse morale telle qu’elle outrage la religion et offense toute morale et vertu. Son temps s’écoule ainsi du lever du soleil à son coucher, n’épargnant ni sa journée ni sa nuit.
Il existe, cependant, une autre catégorie de gens dont le nombre est très peu. Des gens doués d’une bonne compréhension et d’une connaissance fine. Ils ont bien saisi la sagesse divine et ont su que leur Seigneur a voulu qu’ils reviennent à Lui et se repentent. Pour ce, ils expriment une grande joie à la venue de ce mois. Ils ont même invoqué Allahعزّ وجلّ avant son arrivée pour qu’ils puissent parvenir à le jeûner et ils Lui ont demandé de leur prêter Son assistance afin d’y accomplir la prière de nuit ; pour, ainsi, s’arrêter et observer la plus suprême des sagesses divines [visée par le jeûne], à savoir la crainte d’Allahعزّ وجلّ et la faveur de se rapprocher davantage de Lui. Allah عزّ وجلّ dit :
{يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ كُتِبَ عَلَيْكُمُ الصِّيَامُ كَمَا كُتِبَ عَلَى الَّذِينَ مِن قَبْلِكُمْ لَعَلَّكُمْ تَتَّقُون}[البقرة:183]
Traduction du sens du verset :
﴾ O les croyants ! On vous a prescrit As-Siyâm (le jeûne) comme on l'a prescrit à ceux d'avant vous, ainsi atteindrez-vous la piété﴿ [Al-Baqara (La Vache) : 183].
Donc, la sagesse divine en question est la crainte d’Allahعزّ وجلّ et Son agrément, et on ne pourrait aboutir à une telle sagesse sauf si l’on aime ce qu’Allahعزّ وجلّ nous enjoint de faire ; non seulement l’aimer, mais le faire de bon gré et avec gaieté et réjouissance, tout en étant sincère et loin de toute ostentation ou d’avoir en cœur de l’aversion contre les actes d’obéissance, ou de les accomplir avec paresse. Celui qui réalise cela, Allahعزّ وجلّ lui pardonnera ses péchés et élèvera son rang ; « Quiconque, poussé par une foi sincère et par l’intention d’être récompensé dans l’au-delà, jeûne le mois Ramadan, aura ses péchés antérieurs pardonnés. » [Rapporté par Al-Boukhâri (hadith 38) et par Mouslim (hadith 760)].
C’est-à-dire jeûner le mois de Ramadan avec foi, croyance et amour pour les devoirs qu’Allahعزّ وجلّ nous a légiféré, car ils ne renferment que du bien pour le musulman, même si, en apparence, on y trouve une gêne. Certes, la récompense est accordée en fonction de la gêne éprouvée, conformément à ce qu’a dit le Prophète صلى اللهُ عليه وآله وسَلَّم dans le hadith : « Quiconque jeûne un jour dans le sentier d’Allah عزّ وجلّ , Allah عزّ وجلّ éloignera de son visage, grâce à ce jour, la chaleur de la géhenne d’une distance parcourue en soixante-dix ans. », ainsi qu’à l’autre hadith où il dit : « Quiconque jeûne un jour dans le sentier d’Allah عزّ وجلّ ; Allah عزّ وجلّ étendra entre lui et l’enfer une tranchée aussi longue que la distance qui sépare le ciel et la terre. » [Voir : Sahîh At-Targhîb Wat-Tarhîb (hadith 990)].
Le croyant est appelé, alors, à avoir [constamment] l’intention d’être récompensé auprès d’Allahعزّ وجلّ et ne doit guère se plaindre de la canicule ou protester, car les faveurs qui lui sont accordées sont, certes, multiples. Aussi, doit-il ressentir que le jeûne est une pure adoration que l’on voue à Allahسبحانه وتعالى en s’abstenant de manger, de boire et de toute chose pouvant rompre le jeûne du lever du jour au coucher du soleil. C’est un devoir qu’Allahعزّ وجلّ nous a sommé d’accomplir et non une coutume à laquelle les ancêtres se sont faits ainsi que leurs descendants qui leur ont emboîté le pas.
Allahعزّ وجلّ, par Sa sagesse, a diversifié les actes d’adoration qu’Il nous a chargé d’accomplir. Parmi ces actes, il y a ceux qui sont relatifs au corps telle que la prière, d’autres qui ont trait au bien pécuniaire telle que l’aumône, et il y a ceux qui dépendent des deux (du corps et du bien) tel que le pèlerinage. Et ce, pour tester la personne chargée ([2]) et voir comment serait son obéissance quant à ces différents types d’adoration. Accepterait-elle d’accomplir les actes qui correspondent à son goût [seulement], ou obéirait-elle à tout ce qui réaliserait l’agrément d’Allahعزّ وجلّ.
Il existe parmi ces devoirs et ces obligations une partie qui nécessite à faire le don de ce qu’on aime, tel que le fait de donner de l’argent en aumône. Une autre partie, par contre, nécessite de s’abstenir de faire ce qu’on aime, tel que le fait de s’abstenir de manger, de boire et de renoncer à tous les délices pendant le jour du mois de Ramadan. Une personne pourrait, ainsi, dépenser une somme faramineuse rien que pour ne pas jeûner un jour seulement. C’est, donc, la différence de ces actes d’adoration et d’obéissance qui indique le degré de soumission du serviteur aux ordres et aux interdits d’Allahعزّ وجلّ. Celui, alors, qui met en œuvre les actes d’adoration qu’Allahعزّ وجلّ a prescrits est, certes, le [vrai] serviteur croyant. Celui, toutefois, qui se soumet à une partie et en délaisse une autre, sa foi baissera, en conséquence, proportionnellement à sa soumission et pourrait même s’éteindre complètement.
Allahعزّ وجلّ a prescrit le jeûne du mois de Ramadan en vue d’élever le rang de ceux qui l’accomplissent et d’expier leurs péchés. Il faudrait certainement, alors, ressentir que le jeûne est une adoration que l’on voue exclusivement à Allahعزّ وجلّ. Il faudrait, aussi, avoir en esprit la certitude d’être récompensé auprès d’Allahعزّ وجلّ pour tout ce que le croyant pourrait endurer, telle que la soif, la faim et les différents maux. On ne doit pas, de plus, ressentir que ce mois béni est une surcharge accablante à laquelle on souhaiterait une fin prochaine. Cela va, en effet, à l’encontre de l’endurance qui est requise dans l’accomplissement des actes d’obéissance et dans le délaissement des interdits. Pour ce, le jeûne est considéré comme l’image de l’endurance sous toutes ses formes. A cet égard, il fut convenable de réserver une grande récompense à celui qui fait preuve d’endurance constante, et le jeûneur est sans doute inclus dans le sens général du verset où Allahعزّ وجلّ dit :
{قُلْ يَا عِبَادِ الَّذِينَ آمَنُوا اتَّقُوا رَبَّكُمْ لِلَّذِينَ أَحْسَنُوا فِي هَذِهِ الدُّنْيَا حَسَنَةٌ وَأَرْضُ اللَّهِ وَاسِعَةٌ إِنَّمَا يُوَفَّى الصَّابِرُونَ أَجْرَهُم بِغَيْرِ حِسَاب}[الزُّمَر:10].
Le sens du verset :
﴾Dis : « O Mes serviteurs qui avez cru ! Craignez votre Seigneur ». Ceux qui ici-bas font le bien, auront une bonne [récompense]. La terre d'Allah est vaste et les endurants auront leur pleine récompense sans compter.﴿ [Az-Zoumar (Les Groupes) : 10].
Aboû Hourayra رضي اللهُ عنه rapporte que le Prophète صلى اللهُ عليه وآله وسَلَّم a dit : « Tout acte [de bien] que fait l'humain sera multiplié. Toute bonne action accomplie est multipliée par dix, voire par sept cents, et jusqu’au nombre qu’Allah عزّ وجلّ voudra. Allah عزّ وجلّ déclare : « Quant au jeûne, il M’appartient et Je saurai en assurer la récompense. Car le jeûneur s’abstient de manger et d’avoir des rapports rien que pour Me complaire. Le jeûneur aura une double joie ; une lorsqu’il rompt son jeûne et une autre lorsqu’il rencontrera son Seigneur. Certes, l’haleine qui sort de la bouche du jeûneur est meilleure, auprès d’Allah عزّ وجلّ, que l’odeur du musc. Le jeûne est certainement une protection. »
De fait, lorsque le croyant accomplit le jeûne en le vouant exclusivement à Allahعزّ وجلّ et en ayant une ferme certitude d’être récompensé dans l’au-delà, les portes de l’école de la piété s’ouvriront grand devant lui, donnant lieu à plein de faveurs et de grâces, tel qu’il a été annoncé dans le hadith du Prophète صلى اللهُ عليه وآله وسَلَّم qui dit : « Dès la première nuit du Ramadan, les démons et les plus rebelles des djinns sont enchaînés. Les portes de l’Enfer sont toutes fermées de sorte à n'en laisser aucune ouverte et celles du Paradis sont toutes ouvertes de sorte à n'en laisser aucune fermée. Et l’on appellera ainsi : « O chercheur du bien ! Avance. O chercheur du mal ! Recule ». Et, à chaque nuit, Allah affranchit des gens de l’Enfer. »
Nous demandons à Allahعزّ وجلّ de bénir nos actes et nos propos et de nous prêter assistance ainsi qu’à l’ensemble des musulmans afin de pouvoir jeûner le mois de Ramadan et y accomplir la prière nocturne. Louange à Allah, Seigneur des mondes.
- Ecrit par : Dr. Rédha BOUCHAMA.
- Traduit de l’arabe par : Malik LAIDOUI.
- Source : www.rayatalislah.com
-----------------------------------------------------------------
([1]) Chawwâl : est le dixième mois de l’hégire qui vient après le mois de Ramadan. Note du traducteur.
([2]) C’est-à-dire la personne qui atteint l’âge à partir duquel elle devient religieusement chargée d’accomplir les actes d’adoration. Note du traducteur.