LA FLAGRANCE FISCALE
Pour un contrôle fiscal plus efficace
A l’instar de tout pays soucieux de moderniser son système fiscal, l’Algérie oeuvre à ce que le sien soit attractif et constamment adapté aux exigences socioéconomiques du pays tout en veillant à la répartition équitable de la charge fiscale sur l’ensemble des contribuables, la sauvegarde des intérêts du trésor public et l’instauration du civisme fiscal.
Partant du fait que le système fiscal algérien est un système essentiellement déclaratif, par lequel les contribuables déclarent eux mêmes les bases imposables, une panoplie de procédures de contrôle ont été instituées afin de s’assurer de la véracité des déclarations souscrites et d’opérer, le cas échéant, les rectifications et les sanctions qui s’imposent.
En effet, certains contribuables malintentionnés continuent à user de différentes manoeuvres tendant à échapper aux impositions qui seraient normalement dues, notamment l’exercice d’activité occulte, l’achat ou la vente sans facture, le détournement d’avantages fiscaux…etc.
Pour contrecarrer ces pratiques, l’administration fiscale se dote constamment de nouvelles procédures afin de lutter efficacement contre ces phénomènes préjudiciables au trésor public.
C’est dans ce sens que la procédure de flagrance fiscale a été instituée par la loi de finances complémentaire pour l’année 2010 dans ses articles 7 et 18 et renforcée par l’article 12 de la loi de finances pour l’année 2013.
Cette procédure offre à l'Administration fiscale des moyens plus efficaces et plus coercitifs pour endiguer la fraude et l’évasion fiscales en la munissant d’un cadre juridique lui permettant, lors de l’exercice des droits de visite, d’enquête, de saisie… etc., d’intervenir et de stopper une fraude fiscale en cours et de constater le flagrant délit de fraude, avant même l’échéance des obligations déclaratives. Consécutivement à ce constat, le contribuable, en présence de sérieuses présomptions de fraude et après l’aval de l’administration centrale, fera l’objet d’un procès verbal de flagrance fiscale. Etant une procédure nouvelle, ce numéro de la lettre de la DGI se veut surtout une vulgarisation de la flagrance fiscale dans ses dimensions définitionnelle et procédurale ainsi que les garanties qui en découlent au profit des contribuables pour éviter tout abus de droit.
La flagrance fiscale
Un instrument de contrôle pour de meilleurs résultats
1)- QU’EST CE QUE LA FLAGRANCE FISCALE ?
La flagrance fiscale est une procédure de contrôle non autonome qui s’effectue dans le cadre des droits de visite, d’enquête, de saisie, de communication ou de contrôle, et qui permet à l’administration fiscale d’intervenir pour stopper un délit de fraude fiscale en cours lorsque suffisamment d’indices sont réunis en intervenant avant même l’échéance des obligations déclarative .
2)- QUELS SONT LES CAS DE DELIT DE FLAGRANCE FISCALE ?
Sont considérés comme étant des cas de flagrance fiscale les faits énumérés ci-après :
- Exercice d’une activité sans se faire recenser par les services fiscaux ;
- Délivrance de factures, bons de livraison ou tous documents ne correspondant pas à des marchandises ou des services réellement livrés ;
- Commission d’infractions d’achat et de vente sans factures, de marchandises quel que soit leur lieu de détention, de stockage et d’entreposage ;
- Présentation de documents et de pièces comptables qui privent la comptabilité de sa valeur probante, l’utilisation de logiciels de comptabilité aux fins de fraude ;
- Commission d’infractions liées à la législation et la réglementation commerciale et du travail telle que la dissimulation du travail ;
- Détournement des avantages fiscaux accordés au titre des régimes particuliers.
3)- QUELS SONT LES OBJECTIFS DE LA PROCEDURE DE FLAGRANCE FISCALE ?
Les objectifs de la procédure de flagrance fiscale varient du constat de la fraude fiscale jusqu’à la sécurisation des recouvrements en passant par un contrôle très rigoureux des activités éphémères.
a)- Constater et stopper une fraude en cours :
L’administration fiscale qui se trouvait dépourvue d’un support juridique lui permettant de corriger des situations manifestement frauduleuses constatées lors de l’exercice de ses droits de visite, de saisie, d’enquête de communication et de contrôle, est désormais, bien armée par la procédure de la flagrance fiscale qui lui donne la latitude de parer à toute manœuvre frauduleuse organisée par le contribuable en temps réel.
b)- Contrôler les activités éphémères :
A travers cette nouvelle procédure, l’administration pourra agir efficacement face aux sociétés éphémères constituées dans le seul but d'évasion fiscale.
En effet, elle permet de contrôler une période d'imposition qui n'est pas achevée en intervenant avant même l'expiration du délai relatif aux obligations déclaratives.
c)- Renforcer le recouvrement :
En outre, elle permet à l’administration de sécuriser le recouvrement des créances fiscales futures en contrecarrant l’organisation d’insolvabilité par les contribuables fraudeurs et ce, par l’établissement d’un procès-verbal de flagrance fiscale ainsi que la possibilité de procéder à une saisie conservatoire des biens.
La mise en oeuvre de la procédure de flagrance fiscale
1)- CONSTATATION DU FLAGRANT DELIT DE FRAUDE FISCALE :
Dans la mesure où la procédure de la flagrance fiscale n’est pas une procédure autonome, le constat du délit de fraude fiscale intervient dans le cadre des procédures déjà existantes, à savoir, les droits de visite, de saisie, d'enquête, de communication et de contrôle.
En effet, les agents de l’administration fiscale doivent, dans le cadre de l’exercice de leurs droits suscités, faire le constat d’un délit de flagrance fiscale s’ils se heurtent à l’un des cas de flagrance fiscale susmentionnés.
2)- AVAL DE L’ADMINISTRATION CENTRALE
Sous peine de nullité, la procédure de flagrance fiscale ne peut être mise en application qu'après accord préalable de l'administration centrale, en l'occurrence la Direction des Recherches et des Vérifications. En effet, le directeur des grandes entreprises ou les directeurs des impôts de wilayas, selon le cas, doivent en cas d’existence de présomptions sérieuses de fraude fiscale, demander au directeur des recherches et vérifications l’autorisation de dresser un procès verbal de constat de flagrance fiscale.
Ce dernier doit se prononcer, dans un délai de quarante-huit (48) heures, par son accord ou son refus de dresser le procès verbal en question et ce, en fonction de l’existence effective ou non d’un flagrant délit de fraude fiscale. L’absence de réponse dans le délai susmentionné est considérée comme un refus implicite.
3)- ACCES DIRECT AUX DOCUMENTS
Etant donné que c’est à l’administration fiscale que revient la charge de prouver l’existence effective d’un délit de flagrance fiscale, la législation fiscale en vigueur permet aux agents de l’administration fiscale un accès direct aux documents comptables, financiers et sociaux des personnes concernées, en temps réel et ce, dans le but de déceler d’éventuels éléments susceptibles de confirmer l'existence de la fraude.
4)- REDACTION DU PROCES VERBAL DE FLAGRANCE FISCALE :
Le contribuable pris en flagrant délit de fraude fiscale, et après l’accord préalable du Directeur des Recherches et des Vérifications, fait immédiatement l’objet d’un procès-verbal de flagrance fiscale.
Ce dernier doit être signé par les agents habilités, en l’occurrence, ceux ayant au moins le grade d’inspecteur et dument assermentés, et contresigné par le contribuable auteur de l’infraction.
Dans le cas où ce dernier refuse de signer, la mention « refus de signature » est portée sur le procès verbal.
L’exemplaire original de ce procès verbal est conservé par l’administration des impôts et une copie de ce PV est remise au contribuable.
Les conséquences de la procédure
La procédure de flagrance fiscale entraîne des conséquences fiscales au regard des régimes d’imposition, des procédures de contrôle et du droit de reprise, à savoir:
La possibilité d’établissement d’une saisie conservatoire par l’administration :
Une fois le procès-verbal de flagrance fiscale dressé, l'administration fiscale peut pratiquer une saisie conservatoire à l’encontre du contribuable verbalisé. Cette saisie peut porter, notamment, sur des biens meubles ou immeubles ou sur des comptes bancaires ou des valeurs mobilières conformément aux textes en vigueur.
- L’exclusion du bénéfice de la franchise de la TVA et des régimes dérogatoires ;
- La possibilité de renouveler une vérification de comptabilité achevée ;
- La possibilité d’élargissement des durées de vérification sur place ;
- La prorogation du délai de prescription de deux (2) ans ;
- L’exclusion du droit au sursis légal de paiement de 20 % et de l’échéancier de paiement ;
- L’inscription au fichier national des fraudeurs ;
- L’application des amendes prévues par l’article 194 ter du code des impôts directs et taxes assimilées.
Les garanties offertes aux contribuables
En dépit des prérogatives accordées aux agents de l’administration lors d’une flagrance fiscale, la législation fiscale a offert aux contribuables, dans un souci d’éviter un abus de droit, les garanties ci-après:
1)- Obligation pour l’administration de fournir la preuve que les agissements du contribuable ou sa situation menacent le recouvrement de la créance fiscale future.
2)- Le contribuable ayant fait l’objet d’un procès-verbal de flagrance fiscale, peut saisir la juridiction administrative compétente, dès la réception de ce
dernier, conformément aux procédures en vigueur prévues par le code des procédures civiles et administratives.
3)- Obtention de la main levée sur les biens objet d’une saisie conservatoire dans les cas ci-après :
- Si après réclamation, le juge prononce la mainlevée ;
- S’il procède au paiement des impositions dues au titre de l’exercice ou de la période comprenant celle couverte par le procès-verbal de flagrance.
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