ÇáÓáÇã Úáíßã æ ÑÍãÉ Çááå
ÊÇÈÚ
Le Dr Bendjelloul a aussi fait connaître que le Mouvement Autonomiste aurait été
encouragé par M. Peyrouton, alors Gouverneur général de l'Algérie, qui avait déclaré
être partisan d'une sorte de dominion algérien sous la souveraineté française.
Nous nous proposions de faire vérifier l'exactitude de ce propos qui, s'il a été prononcé,
ne pouvait manquer de susciter cher les interlocuteurs des espoirs d'appui officiel.
Signalons également que dans un discours à Sétif, le 29 avril, Me Mostefaï a dit
que M. Peyrouton avait accepté le principe du "Manifeste".
Le programme du "Manifeste" est connu :
Autonomie de l'Algérie symbolisée par un drapeau algérien,
Évolution du peuple algérien dans son cadre propre et hors de toute tentative
d'assimilation,
Le parti était toléré et avait un journal "Égalité" qui répandait sa propagande. Il
organisait des réunions publiques et créait des sections des "Amis du Manifeste" dans
toute l'Algérie.
De plus, maintes personnalités, tant musulmanes que représentant les colons, nous
ont affirmé que les dirigeants paraissaient jouir des faveurs de l'Administration.
À l'échelle inférieure, un ancien commissaire central de Sétif a déclaré que Ferhat
Abbas obtenait facilement pour ses protégés des avantages, comme des cafés maures,
malgré les avis contraires de la police et que Ferhat Abbas avait connaissance du contenu
des rapports dont il récitait des passages entiers. Le Sous-Préfet de Sétif a déposé, à
la demande expresse de la Commission qui l'interrogeait, que sa nomination à Sétif était
due au fait que sa carrière jusqu'en 1940 s'était déroulée dans la métropole et que le Commissariat à l'Intérieur, alors à Alger et notamment M. P. Bloch, avaient jugé qu'il ne convenait pas de nommer à Sétif un sous-préfet venant des communes mixtes. Le Sous
Préfet a aussi, répondant à nos interrogations, rapporté des confidences qu'il avait reçues de M. Deluca, président de la Délégation spéciale et assassiné le 8 mai, s'étonnant des
complaisances de la Préfecture de Constantine et de la Haute Administration algérienne pour Ferhat Abbas (autorisation I.G. de circuler, bons d'achat de quatre pneus neufs
délivrés par le Directeur des Affaires Musulmanes pour enquêter sur le cas de trois caïds de St-Arnaud, Colbert et Aïn-Abessa qui étaient hostiles à Ferhat Abbas).
Des conseillers généraux musulmans et colons du département de Constantine nous ont déclaré que Ferhat Abbas obtenait pour ses protégés ce qui leur était refusé
pour leurs électeurs. L'enquête n'a pu être poussée avec la minutie désirable, mais il résulte des conversations une impression nette que Ferhat Abbas, qui combattait l'Administration par son journal et ses propos, obtenait d'elle des avantages dont il savait tirer parti pour sa propagande en laissant croire qu'il était craint
Attitude hostile à l'Administration d'une part, faveurs au moins apparentes d'autre part, il n'en fallait pas plus pour que les populations musulmanes crussent que les fonctionnaires d'autorité redoutaient le personnage, ce qui ne manquait pas d'augmenter son prestige.
Il a été aussi signalé par des personnalités de Sétif et notamment les membres de la Délégation Spéciale, que la mise en résidence surveillée de Ferhat Abbas en 1943,
puis sa libération, deux mois après, avaient contribué à accroître son ascendant.
Mentionnons enfin que la Délégation Spéciale de Sétif comprenait comme membres musulmans Ferhat Abbas et sept de ses amis. Ceux-ci avaient été élus en 1935,
Page 15
maintenus sous le régime de Vichy et confirmés par le Gouvernement Provisoire lors de la formation de la Délégation Spéciale actuelle, malgré l'opposition des partis de gauche locaux (déclaration du vice-président de la Délégation Spéciale) qui ne pardonnaient pas à Ferhat Abbas d'avoir fait alliance avec le P.S.F. en 1935.
À Sétif, il nous a été aussi révélé l'existence d'une société "Fraternité sétifienne",
exclusivement musulmane, à caractère de société de bienfaisance et tendant à ne grouper que des sétifiens. D'après le Président : M. Larfaoui, tailleur d'habits, cette société comptait 1.800 membres (ce chiffre n'a pu être vérifié).
Le secrétaire Général de la Mairie nous a fait connaître que cette société hostile à
Ferhat Abbas et violemment prise à partie par lui, n'avait reçu aucun appui de l'Administration.
Il ne faut donc pas s'étonner que des fonctionnaires musulmans adhérassent au parti des "Amis du Manifeste" et que des caïds aient présidé des réunions données par
Ferhat Abbas.
M. Berque nous a déclaré qu'il avait suggéré que Ferhat Abbas, engagé en 1939,
soit mobilisé à nouveau et qu'il avait insisté auprès des administrateurs du département
d'Alger pour que ceux-ci dissuadent les fonctionnaires placés sous leurs ordres à adhérer aux "Amis du Manifeste". Mais ces conseils ou suggestions avaient un caractère confidentiel.
Il serait intéressant de connaître le sens de la propagande faite directement et isolément par Ferhat Abbas auprès des populations musulmanes rurales et d'avoir un résumé
fidèle d'un de ses discours prononcé dans un des centres de l'insurrection (il a parlé à Chevreul le 28 avril). Mais à Sétif, il apparaît certain qu'il patronnait des cercles et des
associations qui manifestaient leur fanatisme et leur nationalisme en pourchassant les indigènes fréquentant les cafés où se tenaient des européens ou les indigènes buvant du
vin.