ãäÊÏíÇÊ ÇáÌáÝÉ áßá ÇáÌÒÇÆÑííä æ ÇáÚÑÈ - ÚÑÖ ãÔÇÑßÉ æÇÍÏÉ - Les "alaouites" ne sont pas des "descendants" du prophète(6)
ÚÑÖ ãÔÇÑßÉ æÇÍÏÉ
ÞÏíã 2014-08-14, 23:51   ÑÞã ÇáãÔÇÑßÉ : 5
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Emir Abdelkader
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ÇÝÊÑÇÖí Les "alaouites" ne sont pas des "descendants" du prophète(5)

Les "alaouites" ne sont pas des "descendants" du prophète(5)


SUITE




66. La République "française" enjuivée a un goût
prononcé pour la monarchie chez les autres!

Le jeudi 4 mai, le jeudi 11 et le jeudi 18, 1911, les insurgés escaladèrent les murailles. C’était un travail de romain de la belle époque, pas un travail de cavalier. Ils n’avaient ni artillerie, ni sapeurs. Trois fois, ils furent repoussés. Mais par trois fois, les cours du mechouar du Palais où se terrait Hafid furent balayés par un déluge de feu. Malheureusement pour les insurgés, les 10.000 hommes du général Moinier partis de Mehdyia (Kénitra) fonçaient sur Fèz à marche forcée, Paris ayant entendu l’appel au secours du sultan assailli par son peuple, et volaient à son secours.

Moinier devait seulement « rétablir une situation normale à Fez » et se replier ensuite sur la côte atlantique ; l’Allemagne fronçait déjà les sourcils. Nouvelle version du trop fameux « l’Ordre règne à Varsovie ».

Mais la République française a un goût prononcé pour la monarchie chez les autres : elle devrait pourtant savoir!…

Mangin n’avait plus que cent coups de 75 Schneider à tirer quand Moinier arriva au col du Zeggota, à quarante kilomètres de Fèz, que l’on peut parfaitement apercevoir de là-haut. Déjà le peuple de Fèz sympathisait ouvertement avec les insurgés à qui il ne manqua que deux jours et une conscience politique plus affirmée pour réussir.

Si le peuple de Fèz avait attaqué les mercenaires de Hafid pendant que les insurgés escaladaient les murailles, Mangin n’aurait rien pu pour son sultan pris au piège entre deux feux.

Lorsque Moinier débouche du Zeggota, il était trop tard pour eux, et ils avaient appris à se méfier de l’artillerie française : sous les murailles de Fès, il fallait l’affronter poitrines nues. Boucherie qu’ils savaient inutile. Ils se retirèrent. Au reste, le temps de la moisson était venu et ils n’avaient pas de subside de l’étranger pour vivre, eux. Les soldats redevinrent paysans. Avec la petite satisfaction de savoir que cette récolte ne leur serait pas volée par le sultan, si même leur récolte l’avait été par les forces de l’"ordre" de l'occupation française "au service" de Sa Majesté, laquelle n’avait jamais été aussi bien servie !



67. On n'en finit pas avec les querelles
de succession alaouites !

Moinier ne daigna pas même voir le fantoche qu’il avait sauvé. Il lui rendit quand même un léger service avant de regagner Mehdyia. Il fit un crochet par Meknès pour aller déloger un frère de Hafid, Moulay Zin, qui s’était proclamé sultan de la vieille capitale ismaélienne, gloire du fondateur de la dynastie, stimulé sans doute par ce haut lieu de la puissance alaouite. Moulay Zin finit en prison comme ses autres frères qui avaient prétendu au trône avec la même naïveté.

Sauvée pour un temps du désastre militaire, grâce aux canons et au matériel du maître de forge Schneider, la dynastie alaouite sombrait dans le ridicule de querelles de succession dignes du Bas-Empire.

On pouvait compter les prétendant comme on compte les ministères en Italie :il fallait faire vite pour ne pas être en retard d’un nom.

Moinier ayant occupé tout le devant de la scène, les occupants Espagnols se rattrapèrent de leur cuisant échec du Rif en faisant du tapage en coulisses : ils s’emparèrent de Larache et de Ksar el Kebir (triomphe des Saadiens contre les Hispano-portugais).

Il était tellement plus facile de s’emparer d’une ville tenue par le sultan que d’une région défendue par ses paysans.

Les Allemands envoyèrent à Agadir un croiseur dont les troupes protègeraient d’autant mieux les « intérêts allemands » qu’il n’y avait pas de sujets allemands du Kaiser à Agadir. Mais il fallait faire quelque chose et ne pas se présenter les mains vides lors des très proches négociations franco-allemandes.

Effectivement Berlin échangea l’opposition à la politique française au Maroc contre une rectification de frontière au long du son territoire du Cameroun, après de longs palabres.



68. Face au Maroc vaincu, le victorieux Hafid:
" Je suis le plus français des Marocains"

Lorsque les Français occuperont Fèz le 21 mai 1911, comme nous le voyons plus loin, les Allemands entreprirent de s’opposer à la politique coloniale française en envoyant le 1er juillet la canonnière « Panther » devant Agadir ; ce qui démontre l’incapacité du sultanat de voir quel était son allié possible contre l’expansion française.

La France avait les mains totalement libres au Maroc. Et ses soldats qu’Hafid avait appelés à son secours n’étaient pas prêts d’en repartir. Hafid allait s’en apercevoir à ses dépends malgré sa soumission servile à l’égard de Paris. Il allait se faire cracher comme un noyau de cerise.

Les Allemands avaient fait beaucoup de bruit pour rien, puisqu’ils signèrent, le 4 novembre 1911, une convention avec la France qui accordait à Paris le droit d’être porte-parole du Makhzen alaouite auprès des Grandes Puissances. Berlin abandonnait la partie : le sultan n’avait pas même eu l’idée d’exploiter les rivalités entre les Grandes Puissances. S’il avait eu l’idée, il n’aurait pas eu la volonté. Il était totalement obsédé de mataer les révoltes de ses frères et de piller les pauvres marocains! chec total qui n’empêcha pas Hafid d’appeler son dernier fils "El Moujahid", (c'est-à-dire "le combattant de la Guerre Sainte"!), et de se surnommer lui-même, "El Ghazi", le victorieux dans sa guerre contre son peuple! C'est de là qui est venu l'expression rituelle des médias alaouites récitée, après le nom du sultan: "nassarahullah", qui veut dire: "qu'il soit victorieux", (sous-entendu: contre ses "sujets"!).

Hafid le victorieux était tellement décidé "à se battre" qu’il reçut très vite l’envoyé spécial du journal « Le Temps » le juif F.Weisberger, alors qu’il faisait attendre des semaines des ambassadeurs, pour lui expliquer et lui faire répéter que: le plus français des Marocains, c’était lui, le "Commandeur des Croyants":

« Mon désir le plus sincère est de marcher la main dans la main avec la France, mais je suis entouré de gens malfaisants qui ont intérêt à me brouiller avec la France » (sans doute les Rifains et le peuple en armes contre l’invasion). « J’apprécie à leur juste valeur les services que me rend votre mission militaire. »



69. Hafid: figurant et pièce de décor

C’était en Mars 1911. Et ce n’était pas un lapsus, quelques mois plus tard Hafid "le victorieux" recevait le même juif Weisberger (24/12/1911), son haut-parleur préféré, pour lui dire combien il était décidé à aller jusqu’au bout …de sa collaboration avec les occupants français. Il commença par faire l’éloge le plus dithyrambique du commandant Mangin. Normal : Mangin l’avait sauvé du désastre puis du ridicule. La grande fête de l’Aïd El Kebir avait été complètement boycottée par "ses sujets" : le mechouar du palais aurait été vide si Mangin ne l’avait fait occuper par ses troupes "chérifiennes" new-look dont les beaux uniformes tout neufs avaient été fournis par la mission militaire française, tout exprès pour la circonstance. L’armée d'occupation française s’occupait même du décor et fournissait des figurants mal salariés. Hafid "le victorieux" tenait absolument à ce que la France sache combien il lui était infiniment reconnaissant. Il termina l’entretien avec juif Weisberger en disant :

« Je suis fermement décidé à profiter du précieux concours de votre mission militaire pour réorganiser mon armée, réorganisation qui est elle-même la base de toute réforme fiscale. Je réussirai, si la France veut bien m’y aider. »

Hafid et les Alaouites n’avaient décidément pas changé : l’armée n’était que pour la perception des impôts poursuivie par d’autres moyens. Hafid voulait ignorer que même les notables repus ne voulaient plus de lui. L'occupation étrangère voulait se camoufler sous des jillabas locaux planifiait déjà à formes ses cadre locaux et la bourgeoisie fassie avait choisi : elle envoyait ses fils à la toute nouvelle école français qui avait eu 18 élèves dès le jour de son ouverture en janvier 1910 et qui en comptait 80 à la fin de l’année. Tous fils de "Chorfa" et de gros négociants. Evidemment il y avait 70 élèves à Rabat.

Les confrères suivaient. Les occupants n’auraient pas de problème de ce côté là non plus.


Havid: Le vainqueur






Hafid à Casablanca:
"Le commandé des non-croyants"



70. Hafid - qui réclame plus des forces
étrangères pour mater ses "sujets" - déclare:
"c’est à l'occupation que je dois mon trône et ma vie"

Le makhzen - nouvelle vielle version - et la bourgeoisie locale faisaient leur lit en espérant qu’on voudrait bien le trouver digne de l’Occupant !

Il fallait très vite parler le langage des vainqueurs.

Hafid, qui n’avait toujours pas osé quitter son Palais depuis la révolte, reçut à nouveau l’envoyé spécial juif du « Temps ». Les temps ont changé, c’est vrai, son petit-neveu insulte les journalistes pris de gêne, pendant les conférences de presse. Le sultan sans « royaume » avait besoin de la presse pour réclamer une intervention militaire accrue. Il lui fallait un solide corps expéditionnaire français qui prenne des responsabilités d’armée d’occupation pour mater ses sujets.

En "défenseur de l’intégrité du territoire", voici ce qu’Hafid déclara à ce Weisberger qu’il avait fait venir d’urgence, texte qui mérite de figurer dans une anthologie de la platitude à laquelle la monarchie alaouite apporte décidément une belle contribution : « J’exprime à la France ma profonde gratitude pour ce qu’elle vient de faire pour moi. J’étais dans la détresse et je l’ai appelée à mon secours : elle a entendu ma voix et ses soldats sont venus me délivrer. Monsieur Gaillard (représentant de la France à Fèz) a été mon plus ferme soutien aux heures d’angoisse et je n’oublierai jamais que c’est à ses sages conseils, à l’énergie de la mission militaire et à l’arrivée bénie du général Moinier que je dois mon trône et peut-être la vie. »

Fermez le ban ! Le peut-être est de trop. Poussés à bout par deux siècles et demi de tyrannie alaouite, les Marocains révoltés ne se seraient pas *******és de promesses et de vague repentir…comme à l’accoutumée. Quoiqu’il en soit, le texte est accablant de servilité, mais d’une franchise absolue : il prouve que la monarchie alaouite n’a pas retardé ou atténué l’occupation étrangère, elle l’a suscitée !



71. Les occupants ont mécanisé et protégé le
pillage makhzénien des paysans marocains

C’est vrai que les envahisseurs étaient à la porte du Maroc affaibli par des siècles de la mauvaise gestion alaouite. Mais c’est le sultan qui l'a leur a ouverte toute grande. Si le peuple marocain n’avait pas été trahi par les sultans alaouites, les envahisseurs étrangers auraient dû escalader les murailles pour réussir leur hold-up et, au créneau, ils auraient rencontré huit millions de résistants marocain. Hafid leur a permis de réussir leur coup en douceur, pour eux. Et comme dans toute histoire de truands, les complices partagent et tentent de se rouler mutuellement. Ce qu’on va voir très vite.

Contrairement à ce que prétendent les occupants dans leur propagande colonialiste, leur occupation n’a pas été - pour le peuple marocain - synonyme de justice ou de suppression des exactions. L' occupation a "mécanisé", armé et renforcé le makhzen pourri et féodal. Les « fonctionnaires » de Fèz et les caïds nommés par le sultan profitaient du parapluie des occupants pour presser le citron : leurs victimes ne pouvaient même plus se révolter, l’artillerie des occupants était objectivement au service des détrousseurs! Le pillage des paysans marocains reprenait - avec plus d'"efficacité" - sur une grande échelle, servis et couvet par les canons 75 Schneider des occupants.

Cette couverture et cette protection n’étaient évidemment pas gratuites. L’alliance indéfectible qui liait monarchie alaouite rétrograde et république colonialiste enjuivée était une amitié intéressée.

Pour garder son trône au mépris de la souveraineté nationale populaire et de sa volonté clairement exprimée, Hafid avait promis de signer aussitôt un traité de "protectorat" qui « laisserait les mains libres » à la France, selon le mot tristement exact d’un de ses diplomates. On ne saurait mieux dire.



72. Hafid vend le Maroc pour un milliard de francs
actuels et un voyage à Paris sans billet de retour !

Hafid fit traîner les choses, et ce n'est pas par scrupule nationaliste, car nation et trône s’excluent l’un l’autre, et les mots « peuple » et « nation » ne figurent pas dans le vocabulaire ou dans l'idéologie des traîtres alaouites, mais parce qu’il voulait faire monter les prix. Il fallut six jours de mijotage pour fixer le montant des quarante deniers de Judas. La grande et généreuse France occupante offrait même à son laquai associé - avec un « viatique considérable » - un voyage à Paris. Voyage sans billet de retour.


Hafid en France dans ses congés payés

Pour ces congés payés définitifs, la France avait donné un million de francs or. Un petit milliard de nouveaux francs actuels. Une broutille pour une nation riche et industrialisée. La république avait le sens des affaires : elle achetait pour une bouchée de pain un nouveau grenier à blé !

Sachant très bien que sa forfaiture serait mal accueillie par le peuple, Hafid avait mis une condition : il voulait se sauver en même temps que l’ambassadeur de France et ne pas rester seul une minute au milieu de ses "sujets". Et il fallait que la date de son départ restât rigoureusement secrète. Hafid ne voulait pas mourir à la tâche !

La certitude de l’impunité transforma le sultan. Pendant toutes les négociations, il était tendu, sombre, inquiet.

Le traité signé, il redevint « enjoué » et ne pensa plus qu’à faire ses malles et à s’amuser comme son frère Abdelaziz. Il s’en sortait admirablement bien. Atterrée, la population qui ne pouvait croire à une telle trahison, s’efforçait de se rassurer et imaginait que le sultan allait en Europe pour coaliser enfin les Grandes Puissances contre la France ou bien qu’il faisait semblant de quitter Fèz pour mieux rouler les Français et se mettre à la tête d’un mouvement de libération. Ce qu’un représentant légitime de la nation aurait fait. [Quarante-deux ans plus tard, en 1954, la population marocaine croyait - aussi - voir Mohamed V faire de la "résistance"... sur la lune!]



73. Un sultan alaouite ne prend pas le maquis...

Notre naïve population s'est souvent trompé sur les rusés alaouites. La réalité, en fait, est qu'un sultan alaouite ne prend pas le maquis, sauf s'il le prend à Paris ou à Tel-Aviv ! Il part avec la caisse en laissant son peuple désemparé.

La date du départ du sultan et de l’ambassadeur ne fut bientôt plus qu’un secret de polichinelle - c’est le mot ! Il y avait trop de journalistes parisiens pour couvrir ce « triomphe » de la diplomatie française, cette revanche de Fachoda et des déboires coloniaux.

Toute la région de Fèz était au courant.

Un paysan des Ouled Youssef alla même trouver un des membres de la mission militaire française qu’il avait reçu fort courtoisement à titre privé dans son village du Zerhon.
- Alors, tu pars bientôt ?
- Je ne sais pas, répondit prudemment l’autre.
- Moi, je sais. Tout le monde sait bien que le sultan et le bachadour (ambassadeur) vont partir le 17 avril.
- Comment le sais-tu ?
- Nos caïds savent. Toutes les tribus du Saïs et les Béni Mtir vont se regrouper pour reprendre au bachadour son acte de vente. Je ne connais pas de « mot » historique plus juste et plus émouvant.

74. Un sultan alaouite vend son pays !!

Pour le peuple marocain, le traité de "Protectorat" était un acte de vente : « Je, soussigné Hafid le victorieux, certifie vendre ce jour, 12 avril 1912, mon royaume à la France, moyennant le versement comptant et en espèce d’un montant de quatre millions de francs. »

La France avait acquis le Maroc en toute propriété déguisée pour deux fois moins cher qu’elle n’avait achetée la Corse au Génois150 ans plus tôt. Le Maroc était acheté. Mais les Marocains n’étaient pas à vendre. Le sultan et l’ambassadeur les avaient oubliés pour la signature. Ils allaient se charger de le leur rappeler!

Le commandant Bremond courait dans les rues de Fèz. Ce n’était pas son genre pourtant. Ceux qui le connaissaient bien savaient que même sous une grêle de balles, il ne quittait pas son éternelle cigarette. Il serait mort la cigarette au bec et un certain sourire aux lèvres. Un beau soldat comme on dit dans les citations à titre posthume et qui faisait correctement son métier de soldat étranger, au service du sultan. Il avait reçu des ordres venus de Paris et les appliquait à la lettre.

Ce 17 avril 1912, en fin de matinée, il dévalait les rues en pente de Fèz, vers le palais du Glaoui qui hébergeait quelques-uns des représentants les plus en vue de la « colonie » française. Essoufflé, il pénétra dans le patio où ses concitoyens attendaient paisiblement l’heure du déjeuner, en flânant auprès de la fontaine. La vie coloniale et son charme créole. Dès qu’ils le virent, la promenade se figea, si Brémond courait, c’est qu’il se passait quelque chose. Brémond leur jeta seulement : « Deux tabors se révoltent, massacrent leurs instructeurs. Ils seront là dans un quart d’heure. Armez-vous ! »

Il était déjà reparti organiser la défense. Je veux dire celle du sultan. Les Français qui ne voudront pas mourir pour Dantzig, n’hésiteront pas à mourir pour une crapule d'autocrate qui vendait tout un peuple pour un million.


74. Un sultan alaouite vend son pays !!

Fèz s’enflamme brusquement. Tout a commencé à onze heures du matin dans la cour du mechouar du palais, au cour de l’inspection des Tabors. La mauvaise humeur couvait depuis qu’ils avaient appris qu’ils devraient porter un sac, ce qu’aucun guerrier digne de ce nom n’avait jamais fait. Le sac, c’est un bât ÈÑÏÚÉ et le bât c’est bon pour les bourricots. Et les soldats avaient pu voir les sacs d’infamie stockés dans de grandes caisses en bois, à claire voie, entassées dans la cour du mechouar.

Quand ils en avaient parlé chez eux, car la plupart étaient mariés, on s’était moqué d’eux... On se moquait depuis plus longtemps de leur docilité envers leurs instructeurs français. Le peuple de Fèz, le petit peuple laborieux et dépouillé n’acceptait pas de voir le makhzen aux mains des étrangers et son sursaut nationaliste devant les bassesses de Hafid avait commencé par atteindre et remuer les soldats du sultan, de pauvres bougres que la nécessité avait poussé à accepter une mini solde de cinq billions par jour (1 franc par jours) et que les hasards de la sale guerre alaouite rendaient cruels. En contact quotidien avec l’opinion publique, la petite armée alaouite partageait finalement les rancœurs et les dégoûts des marocains qui refusaient l’acte de vente.

Ce matin, 17 avril 1912, dans la cour du méchouar, l’humeur était plus que morose, sombre : les sacs, les inspections et puis tout d’un coup cette détestable, nouvelle insensée... inacceptable. Le capitaine leur apprenait que dans leur intérêt, on portait la solde à six billions, mais qu’on leur en retiendrait la moitié, puis les deux tiers pour financer l’ordinaire.

L’autorité trouvait que les soldats se nourrissaient mal, un bon soldat, pour être efficace, doit être bien nourri et que désormais, la France se chargeait aussi de la popote. Les pauvres soldats ne retinrent qu’une chose : leur solde diminuait de moitié et plus. C’était une atteinte insupportable au contrat signé avec le sultan. Des murmures coururent dans les rangs. Puis des cris.

La troupe était excédée depuis trop longtemps. Ce fut une vague de protestation qui s’enfla. Un ras le bol. Un coup de fusil éclata, parti , on ne sait d’où. Tous les fusils partirent en salve. Deux officiers français tombèrent.

Les soldats choisirent des délégués pour aller demander justice au sultan, c’était toujours lui le maître, c’était avec lui qu’ils avaient traité en s’engageant. Hafid, qui faisait ses malles, les reçut cavalièrement, leur conseilla de se réfugier dans la mosquée Moulay Abdallah et les planta là. Il s’en lavait les mains !

La délégation revint les mains vides et les tabors insurrectionnels se répandirent en ras de marée tumultueux dans la ville surchauffée, suivis bientôt de toute la population qui, elle aussi, voulait reprendre l’acte de vente.

La révolte va durer trois jours. Très vite la section d’artillerie du commandant Fellert, en position sur les hauteurs du Dhar Mahrez, bombarde la ville et « nettoie » les terrasses où les femmes appelaient à la révolte. Le commandement français rameute ses bataillons qui encerclent la ville et commencent à prendre d’assaut Bab Fetouh, la porte violette où nichent les hirondelles. Des renforts arrivent de Meknès dans la nuit. La révolte, totalement viscérale, absolument inorganisée, ne pouvait tenir longtemps. Elle s’étiola, faute de directives politiques, devant la force de feu de l’armée de l'occupation, aidée par les notables fassis qui voulaient voir régner l’"ordre" le plus vite possible. Ce sera fait le 20 avril 1912 au soir.


76. Hafid émergea de son état de vie
végétative pour condamner les révoltes...

Lorsque les Français vont annoncer "la bonne nouvelle" au sultan, ils le trouvent effondré sur un tas de ballots, dans un de ses grands magasins. Il ne dit pas un mot. C’était pourtant à cause de lui et en son nom que des milliers de fassis étaient morts. « De la petite espèce », disait un autre autocrate, en regardant les cadavres de ses soldats morts dans l'une de ses batailles. Phrase ignoble que l’Alaouite ne prononce pas même, mais qui est sienne depuis toujours. Il ne sortira de son trou à rats que pour prendre le bateau qui l’amènera enfin vers la France.

Il ne pense qu’à ça. Hafid n’émergera de son état de vie végétative que pour condamner les révoltés. Le Vendredi qui suit la répression, il fait lire le message suivant, chef d’œuvre ignoble de la littérature de collaboration et de la trahison. Il aurait pu, au moins, se taire. Mais il était prêt à tout pour satisfaire ses amis occupants de son pays : il avait tellement envie de partir.

Pour dénoncer les résistants et légitimer l'occupation, Hafid reprend - en " commandeur des croyants" - le vieux rituel chantage hypocrite à la religion, s’en servant exclusivement de façon passéiste et machiavélique, pour ses intérêts personnels et celles des occupants. Rien n’a changé dans cette cour ressuscitée par les troupes de l'occupation du général Moinier.

Voici ce que dit Hafid dans sa scandaleuse "fatoua": « En agissant ainsi, c’est contre Dieu que sont insurgés les meurtriers et les instigateurs... »!
« Ne saviez-vous pas que les Européens vivaient dans la paix de Dieu et sous sa garde ? »

Ainsi le sultan fait d’une révolte armée contre l’envahisseur, un "crime" contre la Foi. Manipulation qui aurait dû totalement disqualifier son auteur, ses descendants ainsi que tout le système monarchique qui a enfanté sa trahison et sa pourriture.


77. Le sultan ordonne aux Marocains
de combattre pour les occupants !

Hafid continue de "commandeur des croyants" : « Votre devoir était de combattre pour eux (les Français), alors même que l’issue de la lutte eût été avantageuse pour l’Islam. »!! C’est de la haute trahison à l'alaouite!

Ainsi, le sultan ordonne aux Marocains de se faire les complices des occupants de leur pays au cours de la lutte, même si la révolte réussit.

Quand pense que certains Rifains pensaient obtenir des secours du sultan! La crapule traître de Hafid les aurait plutôt jetés en prison.

Le seul combat à mener pour l’Alaouite:

C’est le combat aux côtés des Français, contre les patriotes marocains.

C’est justifier les goums et légaliser la guerre civile qui fera le bonheur des forces d’occupation.

C’est - aussi le terme ultime de la technique du pouvoir alaouite - : la division parfaite de la nation en deux camps:

D’un côté, les « mauvais », ceux qui refusent l’annexion mentale et politique.

De l’autre, les « bons » qui aident au bradage du pays. C’est toujours le trône contre la nation.

La lettre du sultan est une ignominie inutile. Le pouvoir "sultanien" n’existait plus. Pas même à l’état de trace. Ses troupes étaient désarmées et gardées à vue - comme des chiens de garde - dans les casernes bouclées par les forces françaises d'occupation. L’insurrection avait été noyée dans le sang mais les motifs de la révolte demeuraient et les grandes masses des tribus étaient prêtes à fondre sur le roitelet apeuré et sa garde étrangère.

Le camp français n’était pas homogène et un sultan digne de ce nom aurait pu en jouer.

Le général Moinier voulait faire comme les juifs occupants font aujourd'hui en Palestine occupée: frapper fort, exercer des représailles - qui ôteraient aux résistants Marocains la volonté de continuer la résistance - et pressurer financièrement la ville.

Regnault (qui faisait fonction de résident général, le vrai pouvoir colonial au Maroc) ne voulait pas que l’on taxe « la partie saine de la population »; autrement dit la bourgeoisie fassie « qui avait pris une part active au rétablissement de l’ordre. »



A SUIVRE









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